La La land

Faut pas jouer dans la cour des Grands !

Je suis sorti  hier de la projection accablé, comme l’ont été ma femme et ma fille. Plusieurs spectateurs sont partis avant la fin et tous nos compagnons de géhenne cinématographique paraissaient dépités, presque assommés par la durée du film et son insignifiance, la plupart de ceux que j’ai questionnés partageant nos points de vue. Je n’avais pas vu d’aussi tristes mines depuis Les visiteurs 2.

La nuit ayant porté conseil, je reviens à La La land ; depuis ma déception de la projection, hier, j’ai eu deux ou trois fois dans l’oreille des mélodies qui me plaisaient et c’étaient les thèmes du film. Après me les être repassées grâce à YouTube, je me dis que, finalement, il n’y a pas que du languissant, du ridicule et du gloubi-glouba dans le film de Damien Chazelle, mais aussi quelques qualités, mineures, sans doute, mais réelles.

La musique, donc, en premier lieu, composée par Justin Hurwitz, un débutant qui pourra peut-être aller loin s’il continue à trouver de jolies mélodies ; cela étant, il faudra qu’il en étoffe la variété, les deux ou trois thèmes principaux,  repris ad libitum pouvant, malgré les variations imposées, lasser, à la longue. Puis le parti pris de colorer très vivement le film, de lui donner, en quelque sorte un côté Technicolor qui sied assez bien à son propos.

C’est à peu près tout. L’histoire est d’une réelle insignifiance, d’une banalité, d’un classicisme atterrant ; admettons toutefois qu’elle a le bon goût de se terminer mal, sur le désastre des vies gâchées… ou, si l’on préfère, sur le mensonge que se sont joué pendant le film des amoureux qui ne le sont pas vraiment. Là-dessus je laisse la porte ouverte, chacun pouvant bien avoir l’opinion qui lui chaut et le récit ne méritant pas vraiment de savantes gloses et une exploration au scalpel des relations entre les deux niquedouilles présentées.

À l’heure où j’écris ces lignes j’apprends que la vedette du film, une certaine Emma Stone, vient d’obtenir à Hollywood l’Oscar d’interprétation, au détriment (disent les gazettes) de notre immense Isabelle Huppert. Ce choix dit mieux que quoi que ce soit d’autre la stupidité intrinsèque de ces palmarès. Le visage chafouin, le cheveu parcimonieux, la totale absence d’expression de la demoiselle interdisent toute empathie avec son personnage, au demeurant crispant, infantile, ridicule, exaspérant. Une endive blafarde.

Un tout petit peu mieux est son partenaire, Ryan Gosling, dont le physique avantageux est de ceux qui excitent les pubertés précoces de notre pauvre aujourd’hui.

Rien d’autre qui surnage, comme on l’a remarqué, alors que le bon cinéma est fait avant tout de l’arrière-plan, c’est-à-dire des seconds rôles. Il paraît que le jeune Chazelle a eu le front de déclarer qu’il s’était inspiré, pour son film, des Demoiselles de Rochefort. Diantre ! Peste ! Boufre ! La richesse du film de Demy en intrigues principale et secondaires devrait servir de leçon aux imprudents impudents qui tentent de s’y mesurer. Une comédie musicale ne peut avoir de présence que si, d’emblée, elle émerveille, elle enchante, elle fait oublier son caractère purement artificiel pour entraîner sur les ailes de l’ange…

Dès que dans La La Land on assiste à cette incongrue, inutile, ennuyeuse cavalcade de médiocres danseurs sur une autoroute de la moche Los Angeles on se demande ce qu’on est venu faire devant l’écran. D’un Grand embouteillage interminable, Luigi Comencini avait fait un petit chef-d’œuvre de cruauté et de sarcasme ; de l’entrée dans une ville et d’une rencontre, Jacques Demy et Michel Legrand avaient créé ce bijou de L’arrivée des camionneurs

Aucun rapport, dira-t-on. C’est vrai. Aucun, si ce n’est qu’il y a des grands films et des films dont on pourrait ne pas parler.

Leave a Reply