La maison du passeur

L’esprit de famille.

C’est tout de même très curieux que l’excellente maison d’édition Carlotta films ait cru pouvoir proposer à la vente il y a quelques mois un coffret – fort bien présenté et documenté, il est vrai – qui réunit l’intégrale (ou presque) de la filmographie de Pierre Prévert. Ça n’en vaut vraiment pas la peine. Mais comme je me suis fait avoir, à cause d’un bon souvenir trop ancien de L’affaire est dans le sac, qui ne vaut pas tripette, finalement, je n’ai qu’à m’en prendre à moi et à épuiser toutes les ressources du coffret. Cette malédiction du coffret, je l’avais déjà ressentie avec une occasion proposant cinq ou six films de Jésus Franco dont bien peu avaient de l’intérêt ; mais qui, au moins, ne se haussaient pas du coude.

Ce qui n’est pas le cas avec les frères Prévert. Car la doxa et les petits maîtres de l’Éducation nationale et l’Opinion publique considèrent que Jacques Prévert est un poète important, au niveau de La FontaineRacine, Baudelaire ou Apollinaire. Remarquez bien, ce sont les mêmes qui tiennent Albert Camus pour un grand philosophe et Marguerite Yourcenar pour une grande romancière. Et Annie Cordy pour une grande chanteuse, pendant qu’on y est. Mais le nom révéré permet à peu près tout.

Y compris le plus médiocre. Car c’est bien le cas de cette Maison du passeur qui est une des plus affreuses purges que j’aie jamais affrontées. Un téléfilm passé sur l’une ou l’autre des deux seules chaînes que comptait la France en 1966 et qui, paraît-il, n’a rencontré aucun succès. C’est vraiment un devoir minimum, un machin qui est une case à emplir pour la première partie de soirée, dans un temps où le choix étant dérisoire, on était bien contraint de regarder ce qui passait.

Un scénario idiot, triste à pleurer. Un film sur la guerre de 14-18 se tourne à proximité de la maison du vieil Ernest (Raymond Bussières) qui porte depuis le conflit dans la tête un éclat d’obus, parce que, alors qu’il ne faisait partie que du service auxiliaire à la gare d’Austerlitz, une caisse lui est tombée sur le crâne. Ce brave homme, obsédé par une guerre qu’il n’a pas vraiment faite, vit là avec sa femme Émilie (Laure Paillette) et Paulette (Françoise Caillaud), la jeune fille qu’il a adoptée.

Passe par là une troupe de saltimbanques qui est dirigée par le commanditaire, producteur (Jacques Alric) et dont le fils, metteur en scène (Stéphane Fey) tente de présenter un film sur la guerre et cherche comme décor une maison placée au bord d’une rivière. Mais le vieil Ernest croit dur comme fer que les acteurs, qui, au gré des exigences de la production, changent d’uniforme comme de chemise (et davantage) sont en fait des comabatants. Et il se prend au jeu.

Je renonce à conter les péripéties ridicules de ce moyen métrage (1h17) dont on ne peut rien sauver : ni une image, ni une situation, ni un dialogue. C’est vraiment du foutage de gueule, une émission de télévision sans le moindre intérêt, une ratatouille immangeable. Le cher Raymond Bussières qui eut tant et tant de talent, fait peine à voir, laissé en liberté et se caricaturant autant qu’il est concevable. Donnons un tout petit point à Jean Parédès qui, il est vrai, joue ce pourquoi il est fait : un gugusse suffisant.

Et jetons un voile pudique sur cette idiotie.

 

 

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