La nuit de tous les mystères

Murder party.

Voici un résumé assez clair : un milliardaire excentrique convie cinq protagonistes à passer une nuit entière dans une maison hantée. Les survivants recevront chacun la somme de 10000 dollars. Les invités ont tous une raison évidente d’accepter cette invitation incongrue et singulière : chacun a un grand besoin de recevoir la récompense promise : dépendance au jeu (la journaliste Ruth Bridgers – Julie Mitchum), nécessité d’aider sa famille (la jeune fille méritante Nora Manning – Carolyn Craig), simple goût du lucre (le pilote d’essai Lance Schroeder –Richard Long), envie prétendue d’une expérience intéressante (le psychiatre David Trent –Alan Marshal).

Cas un peu particulier que celui de Watson Pritchard (Elisha Cook) : c’est l’héritier de la grande demeure où tout ce beau monde va devoir survivre de minuit à huit heures et il est persuadé qu’elle est hantée, à la suite de crimes abominables qui y ont été commis. La maison est butée, massive, rébarbative, d’apparence hostile ; tout au moins l’est-elle de l’extérieur, l’intérieur étant aménagé et meublé de façon beaucoup plus classique. Il se trouve que l’immeuble est une œuvre connue, Ennis house du grand architecte moderniste Frank Lloyd Wright construit en 1924 et souvent utilisé au cinéma (jusque dans Blade runner) ; mais on ne peut dire que William Castle fasse grand usage du caractère très particulier de cette construction, conçue sur le modèle des temples mayas, sauf à faire un rapprochement hardi avec les nombreux sacrifices humains de cette civilisation précolombienne.

C’est par la voix off du milliardaire Frédéric Loren (Vincent Price), puissance invitante et sadique donateur des dollars promis qu’ont été présentés les candidats à la récompense. On fera vite connaissance avec sa femme – sa cinquième femme, les autres étant disparues ou mortes de mort violente – la séduisante Annabelle (Carol Ohmart) ; Loren est un homme très jaloux, sa femme une séductrice très avide. Voila donc les sept personnages posés. Le jeu macabre va pouvoir commencer.

Comme dans tout bon film angoissant de série B (ou C, ou D, ou Z) qui se respecte, le spectateur est lancé sur quelques fausses pistes : ainsi la présence du couple formé par le très vieux régisseur du domaine (Howard Hoffman) et sa femme aveugle (Leona Anderson) qui va vite se retirer afin de clôturer hermétiquement les lieux mais dont l’aspect effrayant permet quelques bonnes frousses. Puis la grammaire habituelle du registre d’épouvante : portes qui grincent ou claquent brutalement, gouttes de sang qui suintent du plafond, lustre imposant qui se décroche et manque de tuer la jeune première Nora, contemplation effarée de la considérable cuve d’acide où ont barboté certaines des victimes passées, découverte de têtes coupées sanguinolentes de ces mêmes victimes, qu’après les meurtres on n’avait jamais retrouvées…

Puis la mise en œuvre de la vieille règle : plus les enfermés volontaires ont peur, plus ils se séparent et se dirigent n’importe où, n’importe comment ; ce qui ne les empêche pas, au demeurant de se retrouver régulièrement dans le confortable ample salon où ils dévident les hypothèses les plus terrifiées, surtout à partir du moment où la séduisante Annabell est retrouvée pendue dans l’escalier. Suicide ou assassinat ?

Ma bienveillance naturelle ne me permet pas de dévoiler ici le secret des choses, bien que l’intérêt du film ne réside pas dans la résolution de l’énigme (du tiroir où s’enchâssent les énigmes) ; qui est un minimum familiarisé dans le genre aura deviné avant la fin l’épouvantable machination et tout autant le retournement moral final. Enfin moral, c’est beaucoup dire ; je le qualifierai davantage de pratique. Pour autant, c’est vivement filmé, qui aime sa dose d’horreur des années 60 y trouvera son content et les huis-clos à risques sont toujours aussi rigolos.

Leave a Reply