La révolte des cipayes

Construit sur du sable.

L’Inde chatoyante et mystérieuse, ses maharadjahs fastueux, ses trésors de Golconde, ses fakirs masochistes, ses charmeurs de serpents, ses tigres mangeurs d’hommes, ses saris colorés ont imprimé durant de longues décennies leurs empreintes sur l’imaginaire occidental qui, en 1954, s’étonnait encore de les avoir perdus en 1947 lors de la partition de l’Empire de Sa Majesté britannique. Distorsion fascinante entre certains aspects extraordinairement raffinés et situation de misère noire, entre grandeur passée d’une haute civilisation et apparente soumission de peuples colonisés depuis le milieu du 18ème siècle…

La révolte des cipayes se situe à peu près au milieu des deux siècles de domination britannique, lors d’une révolte des troupes indigènes, mutinerie qui fut suivie d’une révolte populaire, limitée au nord du sous-continent, qui fut écrasée avec l’aide des princes sikhs en 1858. Mais il ne faut pas attendre du film de Laszlo Benedek une leçon d’histoire, à peine une réflexion sur la présence anglaise : le film, très artisanal, est traité comme une série d’anecdotes un peu lourdement exposées. Elles mettent sur le devant de la scène le capitaine Jeff Claybourne (Rock Hudson), brillant officier apprécié de son chef, le colonel Morrow (Torin Thatcher) et aimé par la fille du chef, Vivian (Arlene Dahl).

Lors de l’attaque d’un poste rebelle, Claybourne, pour sauver ses soldats indigènes, désobéit aux ordres, recueille la reconnaissance de ses cipayes, mais est contraint de démissionner de l’armée. Il laisse le champ libre pour la main de Vivian à son rival le capitaine Blaine (Dan O’Herlihy) qui s’est lâchement abstenu de lui porter secours lors de l’algarade précitée.

Claybourne demeure toutefois en Inde, devient quelque chose comme chasseur de fauves et manque d’être recruté, pour entraîner sa garde personnelle, par le rajah Karam (Arnold Moss). Celui-ci, apparemment soumis aux Anglais, est en fait un faux derche qui fomente fiévreusement la révolte et, au jour venu, commence à semer la mort et la désolation.

Bon. Je ne vais pas tout raconter : on devine qu’après mille péripéties (au demeurant peu sanglantes : en 1954, aux États-Unis, on n’effarouche pas le spectateur) et quelques combats acharnés Clayburne/Hudson arrangera tout ça, ira chercher au fin fond d’un marais le colonel et sa fille, qui se sont réfugiés là pour fuir la rébellion, tuera le méchant rajah félon et recevra le salut déférent de Furan Singh (Michael Ansara) qui est quelque chose comme l’adjudant-chef des cipayes qui lui sont demeurés fidèles. Singh, les yeux dans les yeux, lui demandera néanmoins quand l’Inde recouvrera son indépendance et, les yeux dans les yeux mêmement, Claybourne lui répondra amicalement Un jour….

Ce gentil pathos ne serait pas dérangeant si le film était bon ; il ne l’est pas : languissant et sans rythme, malgré les nombreuses aventures décrites, il est aussi terne. Et surtout il semble fauché, comme s’il était tourné en studio. Je sais bien que la chasse au tigre dans la savane, l’expédition dans les marais brumeux apportent quelques éléments enjoués, mais tout le reste fait un peu minable, poussiéreux, mesquin. Il y a par exemple une danse rituelle interprétée par deux clampins, qui fait peine à voir (surtout lorsqu’on a en mémoire la charge érotique déployée par Debra Paget dans les deux films de Fritz LangLe tigre du Bengale et Le tombeau hindou. Le palais du rajah n’a rien de féérique et les réceptions sont parcimonieuses.

Le jeu de Rock Hudson est d’une grande banalité, Arlene Dahl est parfaitement insignifiante et tout le reste de la distribution est tombé dans l’oubli…

J’avais le très vague souvenir d’avoir vu ça avant les dix ans ; j’aurais dû m’en tenir là.

 

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