Découvrir le cinéma de Federico Fellini avec La Strada; parce qu’on a alors 8 ou ans, le retrouver vingt-cinq ans plus tard en DVD dans la médiocre retranscription française sabotée par l’affreux René Château ; faire cela un soir de mauvaise humeur ; et de cette façon en écrire un méchant avis assez puéril ; se le reprocher parce que l’on est un être scrupuleux et exigeant ; se dire que désormais; les années passées on a suffisamment exploré le continent fellinien et que, même si on ne lui a jamais trouvé les pics et les éminences qu’on aurait espéré y déceler, on peut l’avoir apprécié de plus en plus et aussi lui trouver, grâce à La dolce Vita ou à Et vogue le navire d’immenses qualités…
Revenir à La strada ; n’en n’être pas ébloui comme on l’espérait secrètement pouvoir l’être, mais en rehausser la place dans son Panthéon personnel ; se confirmer qu’on est toujours aussi exaspéré par la mélodie écrite par Nino Rota qui ne fut pourtant pas pour rien dans le succès public du film, qui en est un des fils conducteurs et sert même à sa conclusion.
Se dire que le coup de génie de Federico Fellini, c’est la distribution des rôles et que la seule possibilité que son récit pût fonctionner était bien d’employer de tels acteurs.
D’abord Anthony Quinn, au physique taillé à la hache qui pouvait, par la qualité de son jeu, se rendre aussi rustre, sauvage, violent, sommaire et esseulé que le personnage de Zampano exigeait qu’il fût. Il est vrai, pourtant, comme on l’a sagement remarqué, qu’il est un mystère complet : on comprend bien d’où est issue Gelsomina, la misère de cette Italie qui ne va connaître son miracle que peu à peu, on ne plonge pas dans le passé de Zampano, les claques reçues, l’abandon possible, l’enfance vécue comme un calvaire… Enfin, tout ça fait partie des hypothèses.
Les paysages de banlieues tristes et de terrains vagues, parfaitement désespérants, sont filmés sans complaisance et le climat de l’Italie exsangue d’après-guerre devrait nous parler davantage : je ne me souviens pas avoir vu représentée la France de l’époque dans cette même désolation ; ce qui m’y fait le plus songer, c’est l’Espagne du Luis Buñuel du début : Terre sans pain, par exemple ; presque le Tiers-Monde…
Mais j’ai déjà écrit que j’avais un problème avec cet immense réalisateur.