La vie des autres

D’une force rare…

Dans la salle où j’ai vu le film, hier, quatre mois après sa sortie sur les écrans, sans battage aux divers journaux télévisés, sans émission spéciale à lui consacré, il n’y avait guère que des gens qui ne forment pas le gros des files qui s’accumulent devant les blockbusters, du type Spider-Man 3 ou Pirates des Caraïbes 3 ; ce n’était pas non plus un public de cinéphiles boutonneux, soixante-huitards attardés (pour ce que je peux en apercevoir à la devanture des cinémas du Quartier Latin, autour de la Sorbonne).

Il y avait de VRAIES gens (comme ma femme et moi, et comme on dit dans les tracts de ce qui reste du Parti Communiste Français) attirés là par une sorte de bouche-à-oreille qui a fait que La vie des autres a capté des spectateurs au fur et à mesure qu’elle s’imposait comme une œuvre étrange, intelligente, novatrice.

das_leben_der_anderen Sur un des plus grands drames du XXème siècle, en Occident. Et ce drame n’est pas, à mes yeux, le totalitarisme, qui a existé de tous temps et toutes époques, sous des oripeaux divers : le drame, c’est la disparition, l’absence désormais évidente de toute espérance, de toute conviction. À l’extrême fin du film, au théâtre, lorsque Dreyman (Sebastian Koch) sort de la salle, ne pouvant plus supporter le rappel du passé, le contraste de la scène telle que la jouait Christa-Maria (Martina Gedeck*) et telle qu’elle est désormais interprétée, plus anonymement, et plus globalement, si j’ose dire (au sens où la mondialisation est globale), par une actrice noire, il rencontre l’ancien ministre Hempf (Thomas Thieme), le type immonde et veule qui couchait, lui aussi, avec Christa-Maria, et qui, lui non plus n’a pu supporter ce rappel trop fort du passé.

Et ce type, immonde du début à la fin, veule, répugnant, lui dit à peu près : On n’était pas bien, dans notre petite République? Aujourd’hui, il n’y a plus rien à défendre, plus de combat à mener. Est-ce qu’on a gagné au change ?….

viedesautres3-97b07Naturellement, c’est inadmissible et goguenard….Et pourtant… cela m’a fait penser aux dernières paroles du Maréchal Akhromeev, un des plus hauts dignitaires de l’Armée Rouge, qui s’est suicidé en août 1991, après l’échec du putsch ridicule et ultime, mis en fuite par ce vieil ivrogne d’Eltsine : Tout ce à quoi j’ai consacré ma vie s’écroule aujourd’hui. Le totalitarisme n’est pas seulement affreux pour ceux qu’il opprime, mais aussi pour ceux qui le servent avec ferveur et conviction…

Leave a Reply