L’arnacoeur

Quelle bonne surprise… mais…

Mais quel dommage que le dernier quart d’heure soit un désastre, un supplice, une catastrophe ! Quel dommage que le réalisateur, Pascal Chaumeil, qui a tourné un film plein de drôlerie, de fantaisie, de délicieuses invraisemblances ait cru devoir le terminer par un happy end gnangnan qu’il aurait été tellement préférable de gommer, en décontenançant complétement le spectateur ! Ce que savaient si bien faire les cinéastes de la comédie italienne, conclure par la catastrophe (Le fanfaron) ou l’amertume (Parfum de femme) ou la dérision (Le pigeon)… Pourquoi n’avoir pas osé ? Pourquoi, après avoir été allègre, sarcastique, moqueur, élégant, a-t-il cru devoir tomber dans le consensuel mou si prévisible, si attendu, si banal ?

Parce que sinon, c’est excellent ! Ça part à cent à l’heure dans un scénario original excellent. Et, je trouve, étonnant. Alex Lippi (Romain Duris) forme avec sa sœur Mélanie (Julie Ferrier) et son beau-frère Marc (François Damiens) une sorte de PME dont l’objet est simple mais l’exécution compliquée : Alex, assisté de ses complices, est briseur de couples. C’est-à-dire que, moyennant finances, parfois grosses finances, il séduit des jeunes femmes prêtes à se fiancer avec un homme jugé néfaste ou malfaisant par le père, la mère, la parentèle de la jeune femme (ou qui que ce soit, au demeurant). Une organisation bien rodée, très performante grâce aux qualités protéiformes de Mélanie et aux qualités informatiques de Marc. Et naturellement à celles d’Alex, qui sait adapter son discours à toutes les situations.

Tout en conservant une déontologie impeccable : il ne couche pas avec les femmes séduites et rompt avec elles au moment où elles prennent conscience de la nullité de leurs précédents engagements, prétextant une blessure sentimentale qui le rend inapte à toutes amours nouvelles.

Le pré-générique, qui dure une bonne douzaine de minutes, est absolument formidable : on voit Alex dans une demi-douzaine de situations différentes, avec autant de jeunes femmes, s’adapter à leurs personnalités, les fasciner, les émerveiller, les conduire où il veut et percevoir de belles rémunérations pour ses services. Une petite entreprise qui ne connaît pas la crise.

Jusqu’au moment où Alex est embauché pour un contrat plus difficile et plus cher : le père, grossiste en fleurs mais sûrement acoquiné avec le Milieu (Jacques Frantz) de Juliette van der Beck (Vanessa Paradis) refuse absolument que sa fille épouse le trader Jonathan Alcott (Andrew Lincoln) qui apparaît pourtant intelligent, subtil, amoureux, une sorte de gendre idéal. Parce que la petite société racketteuse ne se porte pas bien, elle est bien obligée d’accepter le contrat. Et Alex/ Duris de se lancer à l’assaut.

Tout cela marche très bien : dans les avenues de Monte-Carlo, où est censé se dérouler quelques jours plus tard le mariage des tourtereaux, voilà qu’Alex, qui se présente comme garde du corps de Juliette va peu à peu la séduire. C’est vraiment bien fait, spirituel, amusant, habile, élégant. On s’amuse beaucoup à voir le trio, qui a recueilli sur Juliette les informations que la presse people donne à l’envi (goûts musicaux, artistiques, et tutti quanti) placer aux bons moments ce qui peut émouvoir et séduire la jeune femme.

Et naturellement, ça marche. On pourrait dire que l’ennui est qu’Alex se prenne au jeu et tombe aussi amoureux de Juliette qu’elle s’éprenne de lui. Le fait est que ça fonctionne. Le fait est que ça aurait pu se terminer dans l’amertume. Mais non ! Tout va très bien et la marquise est rassurée.

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