Le grand blond avec la chaussure noire

Clownesque. Pénible.

Personne ne cite jamais Yves Robert spontanément comme un des plus intéressants réalisateurs français de la fin du 20ème siècle et pourtant il demeurera sûrement longtemps dans les mémoires grâce à deux petits bijoux, deux bijoux qui sont en fait quatre, comme de charmants pendentifs d’oreille : les deux films La gloire de mon père et Le château de ma mère adaptés des Souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol et les deux films de bandeUn éléphant, ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis. Mais avant ces doubles petits chefs-d’œuvre, il avait déjà mis en scène une paire de films qui lui a valu un immense succès public et la confiance des producteurs : les aventures du Grand blond.

Et pourtant, Doux Jésus !, qu’est-ce que c’est décevant lorsque c’est revu, à quarante cinq ans de distance, à l’occasion de la mort de la charmante, délicieuse, séduisante et sexy Mireille Darc ! Qu’est-ce que c’est poussif, anémique, burlesque, clownesque, maigrelet ! On se demande comment ça a pu avoir tant de succès et demeurer durablement dans les mémoires jusqu’à presque devenir culte. C’est farfelu sans folie, languissant sans souffle, échevelé sans rythme ; on s’ennuie ferme en contemplant, un peu gêné, les efforts de quelques acteurs de qualité à mettre en valeur le sinistre Pierre Richard, gugusse majuscule qui joue de ses boucles folles et de ses yeux en billes de billard sans jamais mettre deux sous d’esprit dans son interprétation. Il est vrai qu’on n’a jamais vu ce pitre essayer de dépasser, ne serait-ce qu’un instant, l’emploi dans quoi les producteurs et réalisateurs l’ont confiné et dont il a fait un fond de commerce durable et rémunérateur : celui de l’ahuri irrémédiable et sympathique qui finit, par sa naïveté même à s’en sortir toujours. Ce genre de nullité rêveuse rassure tant de monde !

En fait, je sais bien ce qui a capté l’attention des spectateurs et fait du Grand blond avec une chaussure noire un film dont on se souvient malgré sa maigreur : l’extraordinaire, géniale allégresse de son thème musical, créé par Vladimir Cosma et interprété par Georges Zamfir à l’étrange flûte de Pan. Et puis l’image bluffante de Mireille Darc extraordinairement colletée dans sa robe Guy Laroche, se retournant et dévoilant une chute de reins à couper le souffle.

C’est tout. Pour être tout à fait honnête, je pourrais ajouter – mais simplement perçues lors de ma récente vision – les obsessions homosexuelles du colonel Toulouse (Jean Rochefort) dont l’appartement, qu’il partage avec sa mère, est constellé de torses de statuaire hellénistique. Mais sûrement pas les pénibles jappements de Jean Carmet, cocu ridicule et moins encore les appétits goulus de sa femme Paulette (Colette Castel). On ne peut pas dire que Bernard Blier soit mauvais, parce qu’il ne l’a jamais été, mais enfin il fait vraiment le minimum syndical.

Et puis il y a des trucs infâmes, comme la chasse d’eau qui détrempe Pierre Richard, ses pitreries et sursautements, le coup des cigares explosifs, la scène de bête à deux dos enregistrée, la séquence branquignolesque de l’orchestre dirigé par Yves Robert lui-même (ça trouve parfaitement sa place dans mes chères Ah ! les belles bacchantes, mais pas du tout là…).

Bon. Tout m’a exaspéré dans ce film idiot et m’a mis de mauvaise humeur. Mireille Darc méritait tellement mieux comme hommage télévisé…

One Response to “Le grand blond avec la chaussure noire”

  1. Jerry OX dit :

    Jeconfirme que, malgré ses défauts (que vous expliquez fort bien ) ce film (un classique !) est un régal . Pierre Richard nous enchante et Mireille Darc est aussi troublante que talentueuse . Ah !! la fameuse scène de la robe fendue dans le dos ….

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