Le loup des Malveneur

Mystère cantalou.

Malgré la noble euphonie de son titre et la qualité des décors naturels (le château d’Anjony et les vieilles rue de Salers, dans le département du Cantal), Le loup des Malveneur ne vaut pas grand chose. Le film est pesant, verbeux et l’intrigue mal maîtrisée, s’éparpillant dans tous les sens. Et puis (mais il est vrai que la chose est fréquente dans le genre angoisse féodale), le réalisateur a tendance à abuser de la photogénie des salles sombres, des couloirs dissimulés, des caves voûtées, des chambres lugubres où s’entrecroisent les personnages comme sur une scène de théâtre.

Mixant plusieurs mythologies habituelles du cinéma fantastique, le film de Guillaume Radot part un peu dans tous les sens. Savant obsessionnel, Réginald de Malveneur (Pierre Renoir, malheureusement sous-employé) touche un peu au baron Frankenstein dans sa volonté folle et déterminée de trouver les secrets interdits de la résurrection des morts. Mais on évoque aussi des cousinages abominables avec les loups.

La famille de Malveneur est tenue depuis des siècles par les villageois comme assez diabolique et les craintes rurales font assez penser à la terreur inspirée par les paysans de Valachie envers le comte Dracula. On peut noter d’ailleurs que l’arrivée au château de Monique (Madeleine Sologne qui ne portait pas encore la frange blonde de L’éternel retour) fait songer, toutes choses restant égales par ailleurs, à celle de Jonathan Harker. Il y a aussi l’étrange atmosphère familiale : auprès du fou savant Réginald, il y a une servante sourde-muette Marianna (Marcelle Géniat), fanatiquement attachée à son maître, une épouse chlorotique et mourante, Estelle (Marie Olinska) et une petite fille, Geneviève (Bijou). Et surtout la sœur de Reginald, Magda (Gabrielle Dorziat), absolument impeccable). Hobereaute imbue de sa race, vierge cinglante hautaine ne songeant qu’à parcourir et protéger le domaine des Malveneur et à dissimuler l’aliénation de son frère.

Il y avait là assurément de quoi réussir une bonne mixture d’épouvante, à tout le moins de malaise, en combinant astucieusement tous ces épices. D’autant que les dialogues, bien que trop écrits et même assez guindés recèlent quelques trouvailles heureuses : ainsi lorsque Monique l’institutrice rencontre sa petite élève Geneviève dont sa mère déplore Elle ne grandit pas vite cet enfant !, la sèche réplique de Magda bottée et orgueilleuse Peu importe : c’est une fille !.

La musique de Maurice Thiriet (le compositeur des Enfants du Paradis, des Visiteurs du soir, de Une si jolie petite plage) est assez réussie. et puis il n’est jamais bien compliqué de susciter l’inquiétude avec des orages terribles, des loups hurlant à la mort, des souterrains à peine éclairés, des grincements venus d’on ne sait où. Même l’intrigue sentimentale qui voit Monique (Madeleine Sologne) tomber dans les bras de Philippe (Michel Marsay), prétendu artiste-peintre, en fait policier qui enquête sur les Malveneur, est convenable, malgré la mièvrerie du jeune premier.

Mais il se peut que Guillaume Radot n’ait pas eu la qualité nécessaire. De ce réalisateur oublié, je n’ai jamais entendu parler que du Destin exécrable de Guillemette Babin, film mythique que j’attends toujours de découvrir dont certains m’ont dit du bien et (beaucoup) d’autres du mal et qui est aussi une histoire fantastique de vengeance et de malédiction. Ce qui est certain, c’est que le cinéma fantastique français (à la grande exception près des Yeux sans visage) est demeuré assez pauvret…

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