Le pacte

19853128.jpg-r_160_240-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxLa toile d’araignée.

Voilà un film, capté par hasard sur une chaîne périphérique, qui n’a pas que des défauts, offre même quelques moments fort intéressants et un rythme souvent haletant. Il ne tient malheureusement pas la distance. La première heure, excellente, est un peu effacée dans mon esprit, par la seconde, d’une certaine banalité. La deuxième partie, bâtie avec des poursuites automobiles et des tolchoques diverses présente en plus quelques morceaux de bravoure convenus, comme cette longue séquence où le héros échappe à plusieurs hommes de main dans le trafic infernal d’une autoroute urbaine ; c’est spectaculaire et vain comme une scène à peu près analogue dans le regrettable Ne le dis à personne.

le-pacte-2Revenons au début, qui n’est pas mal, machiavélique et inquiétant comme on aime. Will Gérard (Nicolas Cage), professeur de Lettres humaniste, pacifique et bienveillant dans un collège difficile est l’heureux époux de Laura (January Jones), violoncelliste dans un grand orchestre. À la sortie d’une répétition, Laura est violée et tabassée par un salopard récidiviste qui vient de sortir de prison. Alors qu’il veille sa femme à l’hôpital, Will reçoit une étrange proposition : une organisation qui s’est donné cette mission va débarrasser la terre du violeur en série ; en contrepartie, Will devra rendre quelques menus services : passer un coup de fil, surveiller un type, mettre hors service une caméra de vidéoprotection. Apparemment, rien de bien gênant.

Will accepte, après hésitation. Naturellement, et comme on le conçoit d’évidence, le piège se referme sur lui : il devient inévitablement l’obligé et le complice d’un groupe de justiciers qui estiment que la loi et l’ordre ne sont pas assurés de façon assez stricte et que les malandrins s’en sortent beaucoup trop souvent. On songe à L’inspecteur Harry, paralysé par les arguties juridiques d’habiles avocats et les mollesses complices des pouvoirs publics. Et d’ailleurs, après tout, qu’on dézingue de façon un peu expéditive et brutale quelques pédophiles et prédateurs sexuels, ça n’apparaît pas être une grande perte pour le reste de l’Humanité.

le-pacte-de-roger-donaldson-10587536hzket_1713La première heure du Pacte est entièrement consacrée par le réalisateur Roger Donaldson à la prise en main graduelle de Will par l’organisation, grâce à l’habileté avec quoi les mystérieux justiciers goupillent leurs exécutions sommaires, à la façon dont toutes les couches sociales et professionnelles sont irriguées, gangrenées, toutes les complicités sollicitées par ce qui apparaît de plus en plus comme une sorte de secte dont le mot d’ordre, le signe de reconnaissance, le bizarre Le Hibou Ravi Jubile (Humanité, Raison, Justice) est de plus en plus détourné de la rectitude expéditive vers la toute puissance arbitraire.

C’est là que le film se gâte, lorsque le timide, bienveillant, démocrate Will, amateur de jeu d’échecs et fermement opposé à la détention d’armes individuelles devient, par la force des choses, une sorte de loup solitaire invulnérable et agressif, bête fauve qui se débarrasse avec impétuosité et sans scrupules de tout ce qui traîne sur son chemin. Par une suite de coïncidences, de retournements de situations, de révélations effarantes et d’heureux hasards, après un bain de sang spectaculaire, le prof un peu bobo règle le compte de l’organisation. Du moins en surface.

Car pour une fois, l’ambiguïté de la fin du film rehausse le niveau : c’est Laura, l’épouse violée, qui, de pacifique qu’elle était, a acheté une arme et s’est entraînée dans un stand qui sauve Will ; plaidoyer pour la National Riffle Association ? Va savoir ! D’autant que la dernière réplique ne gâche rien. Le hibou ravi jubile. En tout cas jubile toujours.

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