Le prix à payer

Sans épine et sans parfum.

Alors voilà. Un homme d’affaires évidemment aisé, Jean-Pierre Ménard (Christian Clavier) est doté d’une femme séduisante, Odile (Nathalie Baye) dont il demeure très amoureux mais qui ne songe qu’à claquer le maximum de fric dans les belles boutiques de l’avenue Montaigne. Le couple dispose d’un chauffeur stylé, Richard (Gérard Lanvin), lui-même compagnon de Caroline (Géraldine Pailhas), déjà dotée de deux enfants d’une précédente union et qui ne rêve que d’écrire. Comme dit Richard à Caroline lors d’une de leurs disputes, Tu ne veux pas travailler, tu veux faire ce qui te plaît.

Lors des longs périples en voiture qu’ils effectuent ensemble, Jean-Pierre s’ouvre à son chauffeur de ses frustrations : chambres à part et diète sexuelle. L’employé se permet de donner un conseil : celui de couper les vivres à l’épouse abstinente. La chose est immédiatement mise en pratique avec la vigoureuse et délicate interjection : Pas de cul, pas de fric !

On ne peut pas dire que la marchandisation des rapports conjugaux et, plus encore, du devoir conjugal soit d’une extrême originalité. Déjà, dans l’Antiquité, notre vieil ami Aristophane avait là-dessus composé deux pièces, Lysistrata et L’Assemblée des femmes où les matrones décident de faire la grève du ngolo-ngolo pour ramener leurs maris à je ne sais plus quelle raison (la guerre ou le machisme ou n’importe quel toutim). Et bien plus près de nous, dans le segment Le travail réalisé par Luchino Visconti dans le film à sketches Boccace 70, la ravissante Romy Schneider impose à son mari de la payer au tarif des prostituées de luxe qu’il a coutume de fréquenter assidûment ; on voit par là que le scénario du film d’Alexandra Leclère n’est pas d’une originalité confondante.

Ce qui ne serait pas grave en soi si, comme bien trop souvent, l’idée de départ n’était abattue en vol, en plein essoufflement, au bout d’une courte demi-heure. et comme d’habitude, il va bien falloir combler les 60 minutes qui restent. Comment faire ? En multipliant les scènes où les comptes se règlent avec férocité, celles où les protagonistes (le plus souvent autour de la table du repas vespéral) se retrouvent et se font plus ou moins la gueule. En ficelant parallèlement à l’atmosphère tendue du couple bourgeois une même dégradation de l’ambiance chez le couple modeste. Puis en introduisant une absurde, ridicule, inimaginable familiarité entre le grand patron et son chauffeur qui désormais se tutoient et larmoient ensemble. Et – ô ruse suprême de la réalisatrice et scénariste ! – la rencontre dans un bar de nuit puis entre les draps d’un hôtel de luxe d’Odile/Nathalie Baye et d’un quidam solitaire, Grégoire (Patrick Chesnais) qui ne prend son pied qu’en payant les femmes.

La minceur du scénario n’est pas en soi une raison de critiquer quoi que ce soit : on a vu, ici et là, de bons films et peut-être même de grands films se faufiler dans ce genre de maigreur. Encore faut-il que cette maigreur soit, si je puis dire, relevée par une forte touche de piment et même d’acide. C’est ce que savaient faire mieux que personne les cinéastes transalpins à l’âge d’or de la comédie italienne : faire apparaître au milieu du film et laisser subsister un peu, ou beaucoup, de tristesse et le visage habituel de la désespérance.

Terminer Le prix à payer sur un arrangement général des couples et des existences n’est ni logique, ni intelligent. Tout ce qui, semé, aurait pu croître (la solitude et l’amertume de Justine (Anaïs Demoustier) la fille des Ménard, la frustration de Caroline/Pailhas qui rêve d’être écrivain, la misère sexuelle de Grégoire/Chesnais est à peine évoqué. C’est consensuel et melliflue. Comme trop souvent, le cinéma français fabrique des films pour les soirées dominicales de TF1.

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