Le prophète

Le déserteur épinglé.

Je ne peux pas dire que je regrette l’achat de ce DVD, mais enfin j’aurais vraiment pu me passer de cette découverte, qui n’apporte pas grand chose à la gloire de Dino Risi et de Vittorio Gassman : ça se laisse voir, mais ça peut aussi vite s’oublier. C’était, explique-t-on, un film de commande et ni le réalisateur, ni l’acteur principal, ni le scénariste (Ettore Scola) n’en étaient satisfaits.

De fait, ça part vraiment dans tous les sens et le discours, voué à être drôle, acide et même décapant, se perd dans un méli-mélo qui n’est pas sans qualité mais qui effleure simplement le sujet et ne possède pas la force ironique rageuse et désinvolte qu’on pouvait attendre et espérer.

De quoi s’agit-il ? D’une fable, d’une parabole, quelquefois aussi d’une farce à prétention philosophique, dont on voit bien les soubassements, mais qui ne se hausse jamais à la hauteur. Pietro Breccia (Vittorio Gassman), employé banal, moyen, sans aspérité particulière, marié sans émoi à une fade Tiziana (Evi Rigano), a un jour décidé de fuir les embouteillages, la pression du travail, l’ennui des relations sociales pour devenir ermite aux environs de Rome, sur une montagne où il vit seul avec sa seule compagne, une chèvre. La vie saine qu’il mène lui a maintenu la jeunesse et conféré la force physique.

Rattrapé par des dettes fiscales, il est amené à passer quelques jours à Rome où il va, en pleine errance, rencontrer une communauté hippie et taper dans l’œil de Maggie (Ann-Margret), fille libre que son étrangeté séduit. Peu à peu, au hasard de ses pérégrinations dans Rome (bien joliment photographiée), sa dégaine, son austérité d’apparence, son refus des compromissions, une forme de pureté supposée attirent sur lui les regards d’un habile magouilleur, Puccio (Oreste Lionello) et d’un industriel qui se disent que Pietro peut très bien devenir, dans le monde de l’opulence généralisée, une sorte de prescripteur, conscience vertueuse qui permet à chacun de s’octroyer un brevet de correction morale.

Le récit est celui du retour graduel de Pietro à la société de consommation, de son abdication progressive devant les charmes et les douceurs de notre monde agréable, retour qui s’accentue jusqu’à aller, aux dernières images, vers la profanation complète de l’image que l’Ermite, figure de ce qu’on appelle aujourd’hui la décroissance, donne à la Société qui l’a complètement digéré, si je puis dire.

Le thème n’est pas d’une extrême originalité et va tout à fait dans le sens prévisible de l’abandon des nobles (ou prétendus tels) idéaux devant la réalité vécue, thème récurrent de la comédie à l’italienne ; revoyons Une vie difficile ou Nous nous sommes tant aimés s’il en était besoin. Mais tout cela est monté sans véritable allégresse sarcastique, sans fil conducteur cruel, sans forte acidité ; il y a par exemple plusieurs séquences centrées sur la glandouillerie hippie, pouilleuse et crasseuse, mais que Risi abandonne vite, sans appuyer sur le thème ; et pas davantage sur l’hypocrisie de la bourgeoisie industrielle, superficiellement abordée ; et les histoires sentimentales n’accrochent pas davantage, alors que l’on se dit à un moment que l’aventure entre Pietro et Maggie aurait pu donner un peu de cruauté au récit…

Film très imparfait, malgré le talent de Gassman et d’Ann-Margret : une esquisse, une ébauche, un truc qui n’est pas vraiment écrit…

One Response to “Le prophète”

  1. Bernard-Blaise Posso dit :

    Je vais lire gratuit !

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