Le retour de la créature du lagon

Vade retro, Créature !

Il y a tout un paquet de films dont. il n’y a rien à tirer, pas une image, pas une réplique, pas une note de musique, pas une situation, pas une idée, pas une émotion. Il y a tout un paquet de films qui ne méritent pas la noté éliminatoire. Mais celui là est encore en dessous de ces abysses. J’ignore absolument ce qu’on peut dire et comment on peut juger La créature du marais, réalisé par Wes Craven qui est à l’origine de cette suite, Le retour de la créature du lagon, mise en scène (si l’on peut dire) par le bien moins notoire Jim Wynorski, plutôt spécialisé dans la production de série dérisoire, destinée à on ne sait quoi, les écrans de chaînes de douzième ordre ou, s’il en existe encore, les salles des bourgades perdues d’Iowa ou du Nebraska.

Presque 90 minutes de trucs plus ridicules et insanes les uns que les autres et, au milieu de cette horreur il y a Louis Jourdan. Celui de Premier rendez-vous, des Petites du Quai aux fleurs, de Félicie Nanteuil, de Gigi, du Comte de Monte-Cristo ? Celui, surtout de la bouleversante Lettre d’une inconnue, une des plus pures merveilles de Max Ophuls ? Oui, c’est bien le même et on en a un peu honte… Je n’imaginais pas une déchéance pareille, que rien, dans la carrière de l’acteur, ne pouvait laisser craindre.

Au fait, de quoi s’agit-il ? comme dans nombre de livres et énormément de films, l’histoire d’un savant fou, qui veut à toute force, violer (on pourrait dire même profaner) la nature des choses et la nature humaine. La même folie prométhéenne qui a commencé par l’eugénisme nazi, se poursuit avec la gestation pour autrui et les banques de sperme où l’on choisit ses gênes comme au supermarché et demain le transhumanisme. Ça commence, dans le premier film – dixit Wikipédia puisque je n’ai pas vu La créature du marais – par la découverte du professeur Alec Holland d’une substance permettant de doubler la productivité végétale et donc d’éradiquer la famine. Mais celui-ci se fait piquer sa découverte par le méchant professeur Anton Arcane (Louis Jourdan) qui veut en faire je ne sais quel usage mais aussi transforme son ennemi Holland en une sorte d’immonde créature verte dégoulinante et gluante auprès de qui le grotesque crétin de la publicité Cetélem fait figure de latin lover.

Dans le film de Jim Wynorski, on apprend pourquoi le méchant Arcane s’est approprié la substance : pour stabiliser son vieillissement ou même rajeunir. Enfin, c’est ce que j’ai compris, en étant à peine certain de mon interprétation, ce qui n’a d’ailleurs aucune importance. Arcane/Jourdan est aussi à la tête d’une sorte de ferme monstrueuse, infernale où, avec l’aide du docteur Rochelle (Ace Mask), il cultive des montres mi-hommes, mi-bêtes. Il est assisté par sa maîtresse, la gironde scientifique Lana Zurell (Sarah Douglas) et protégé par une cohorte de paramilitaires obtus dirigés par la brute cruelle Gunn (Joey Sagal) et la non moins gironde et cruelle Miss Poinsettia (Monique Gabrielle).

Inopinément se pointe Abigaël (Heather Locklear) la belle-fille d’Arcane (au demeurant tout aussi gironde que les deux autres actrices sus-évoquées), qui vient chercher des explications sur la mort de sa mère. Plusieurs fois mise en danger, elle est continuellement sauvée par la Créature verte, qui est donc l’excellent docteur Holland, qui survit à toutes les tentatives de massacre. Lui et la belle Abigaël tomberont amoureux et, nouvelle illustration du vieux propos idiot de La belle et la bête (ou du crapaud qui se transforme en prince charmant dès qu’il est embrassé par la princesse), tout s’arrangera au mieux.

Bien que l’histoire et les personnages soient issus d’un comic sûrement ridicule, on ne peut s’imaginer combien le film est en dessous de tout. Il n’y a rien à sauver, rien du tout et même les premières séquences, où une patrouille de crétins satisfaits se fait piéger dans la touffeur répugnante du bayou par un monstre à tête de pieuvre ne valent pas tripette. Dieu sait pourtant si cet étrange territoire de marécage est propice à créer l’angoisse ; il n’y a qu’à revoir Sans retour ou même le médiocre Dans la brume électrique.

Je ne suis pas opposé par principe à l’irruption du burlesque, du grotesque dans le genre horrifique et je n’avais pas du tout détesté Tucker & Dale fightent le mal qui était à la fois sanglant et rigolard. Mais là, que dire ? C’est une horreur à fuir.

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