Le spectre du professeur Hichcock

Le malheur dans le crime.

Déjà, précisons les choses : Le spectre du professeur Hichcock (1963) n’est pas vraiment la suite de L’effroyable secret du docteur Hichcock, sorti sur les écrans l’année précédente, mais une sorte de réécriture, comme une variation sur le même thème. Thème bien connu du savant fou qui prétend bouleverser la nature des choses, se présente en Prométhée arrogant devant la réalité du monde, se définit comme un démiurge capable de la dompter. Toutes les créatures de Frankenstein créées depuis Mary Shelley et sûrement auparavant se définissent, menton orgueilleusement dardé, en auxiliaires de la Création. Comme la mesure d’eux-mêmes.

Riccardo Freda, ici baptisé d’un pseudonyme anglo-saxon, Robert Hampton, (pour faire croire au spectateur naïf que le film est issu des prestigieux studios anglais de la Hammer) réalise là un film sans grand intérêt, absolument prévisible et, malgré sa faible durée (1h20), souvent languissant. Doté d’une musique insistante et de l’imagerie classique de l’épouvante : grands parcs secoués par de furieux souffles de vent, demeures hautaines d’Écosse, corsetées de boiseries sombres et d’escaliers hostiles, physionomies austères, sombres, vouées à de graves pénitences. Le film s’engage d’ailleurs sur une séquence d’évocation des morts : Catherine Wood (Harriet Medin), la gouvernante du professeur (dont elle est évidemment secrètement amoureuse) s’exprime en sanscrit : La mort noire est sur la maison. Mais le réalisateur tirera bien trop peu de ces prémisses et de la personnalité de Catherine.

Le professeur Hichcock (Elio Jotta), qui a pour forte ambition de découvrir le secret de la jouvence éternelle, se livre sur lui-même à des expériences dangereuses : il se fait inoculer du curare, poison mortel, et, quelque instants après, l’antidote indispensable. Depuis longtemps, il est emprisonné en lui-même et ne peut plus guère se mouvoir. Autour de lui, son ami et disciple Charles Livingstone (Peter Baldwin) et sa femme Margaret (Barbara Steele). Il va de soi que Charles et Margaret sont devenus amants et lorgnent désormais sur l’immense fortune de leur mari et ami.

En d’autres termes Comment s’en débarrasser ?, alors même que le traitement administré au professeur Hichcock pourrait bien avoir quelque qualité ? La période se caractérise par une double fascination à l’apparence antagonique : le désir d’accéder à un ordre surnaturel par des pratiques magiques et, parallèlement, une foi scientiste profonde, absolue. Sait-on que le grand inventeur Thomas Edison a travaillé à construire une machine enregistreuse pour communiquer avec les morts ?

Ce qui n’est pas très satisfaisant, dans le film de Freda, c’est le refus de choisir entre une orientation fantastique, qui fait appel au spiritisme, aux billevesées qui voulaient relier le scientisme naïf de la fin du 19ème siècle et les croyances mystiques et le propos presque policier. À la fin du film, on a bien compris que les appels au surnaturel couvrent une vaste machination destinée à faire recueillir par le couple assassin tous les picaillons du professeur Hichcock. Mais le scénario a longuement oscillé entre les deux orientations. Et puis les trop rares aspects fantastiques ne sont pas très crédibles.

Ce n’est pas, en soi, un défaut majeur : l’ambiguïté sied assez bien aux fils d’angoisse. Le malheur est qu’on ne ressent à aucun moment cette anxiété et qu’on a compris dès l’entame que tout cela se terminera par un massacre qui débarrassera l’écran de toutes les canailles qui y ont été appelées. Ouf !

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