Les aventures d’Arsène Lupin

Délicieux !

Eh bien voilà, c’est fait, et puisque Les aventures d’Arsène Lupin sont sorties dans une excellente édition Gaumont (aux images et couleurs remarquablement belles), nous pouvons reprendre ici même ce qui avait été dit naguère : Robert Lamoureux a été un Lupin remarquable, avec juste le zeste de gouaille qu’il fallait, mais aussi plein de charme, d’assurance, de désinvolture, d’élégance.

Quelle part Jacques Becker, le grand Jacques Becker a-t-il prise dans ce joli succès de cinéma ? Dans l’excellent supplément du DVD, Olivier Curchod, spécialiste du réalisateur, précise qu’il a cherché, après les grands succès de Casque d’or et de Touchez pas au grisbi, un financement pour une œuvre du même lignage personnel, qui se serait appelée Vacances en novembre et qui aurait traité de la fin de la Grande guerre. Ne pouvant trouver de producteur, il s’est résolu à tourner Ali Baba et les quarante voleurs, petite pochade sans grand intérêt, pleine de Fernandeleries puis ce Lupin, de bien meilleure facture et qui, lui, n’est en rien indigne à l’immense talent de son auteur.

Même si j’ai lu – dévoré, serait plus juste – les quatre gros tomes de l’intégrale Lupin parue en Bouquins, ma lecture est un peu trop ancienne pour que je puisse restituer dans leur contexte écrit les trois épisodes mis en image. Il me semble que la subtilisation de deux toiles de maître (un Vinci, un Botticelli… mazette !) alors que le Michel-Ange est négligé (car c’est un faux !) figure quelque part dans une des nouvelles des premières séries présentant le gentleman cambrioleur. L’habile larcin des bijoux à l’hôtel Meurice, également. Quant à l’épisode final, où Lupin dérobe à l’Empereur Guillaume II d’Allemagne un million de marks, il présente de forts rapports avec le grand roman 813, tout en restant fort aimable.

Je note en effet, que le film de Becker ne présente que la face joyeuse et ironique des récits lupinesques qui, au fur et à mesure que Maurice Leblanc les développera deviendront plus sombres et plus cruels (même remarque d’ailleurs pour Gaston Leroux : il y a un abîme horrifique entre Le mystère de la chambre jaune et Le château noir). Pour l’instant, c’est donc tout en légèreté et en finesse que Lupin, maître du grimage et du déguisement gruge, vole, dérobe, escamote et barbote.

Et Robert Lamoureux fait cela particulièrement bien, au milieu d’une société policée, raffinée, aux codes subtils et intelligents, dont on ne voit guère, d’ailleurs, que les aspects brillants, mais qui se noie dans le champagne avant de le faire dans le sang. Chatoiement de couleurs, de robes sublimes et d’uniformes chamarrés, particulièrement bien mise en valeur par une caméra virevoltante qui fait alterner de très beaux panoramiques élégants et des gros plans pleins de finesse.

Vraiment film ravissant et drôle ; et davantage encore : plein d’esprit

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