Les brutes dans la ville

Toujours aussi mal barrée, la Révolution…

Ce n’est pas si mauvais que ça, en fait. C’est très insuffisant, fondé, il est vrai, sur un scénario à la limite inférieure de la débilité mais irrigué tout de même d’assez jolies cruautés et de quelques images intéressantes. Pauvre Mexique disait je ne sais plus qui, si loin de Dieu, si près des États-Unis… et il est vrai que tout ce qui tourne autour de ce pays singulier marqué, un demi millénaire plus tôt par les horreurs aztèques, ne laisse pas indifférent. Et ce n’est pas pour rien que le grand Sam Peckinpah, avec toute son amertume, en a fait sa terre de prédilection. Ou d’épouvante, si l’on préfère. Et on a raison de préférer ceci à cela, plus épouvante que prédilection.

La longue domination autoritaire de Porfirio Diaz à la tête du pays a entraîné des dizaines de séditions, de révoltes, de coups de force ; jusqu’à ce que Pancho Villa mette fin à cette période inique… pour en instaurer une autre. Car lorsque l’on crie Le pouvoir aux pauvres !, cela signifie simplement que l’on va changer de riches, les anciens pauvres devenant les nouveaux riches ; tout cela n’a jamais bougé, dans l’histoire de notre Humanité. C’est bien cela, pourtant que met en valeur le tout petit film de Robert Parrish.

Il y a eu révolte, il y a eu sédition, il y a eu espérances révolutionnaires, il y a eu des milliers de braves gens qui ont cru aux fariboles révolutionnaires et qui se sont retrouvés nus et crus devant l’évidence du Pouvoir. Ce qui n’est pas trop mauvais dans Les brutes dans la ville, c’est, précisément, la prise de conscience par un des chefs de la révolte, qu’on ne nommera jamais, mais qui est désormais Le prêtre (Robert Shaw) qu’il n’est jamais rien possible de changer, si ce n’est pour mettre les uns à la place des autres. Et ce qui n’est pas du tout inintelligent non plus, c’est de faire d’un des soldats les plus enragés de la révolution un des soutiens les plus forts du Pouvoir. Et voilà, Le colonel (Martin Landau) a changé du tout au tout, a retourné sa veste et traque désormais avec férocité ceux qu’ils menait jadis au combat : il s’est rangé du meilleur côté qui se puisse.

Il ne faut pourtant pas croire que le film de Robert Parrish présente avec autant d’évidence la minable certitude que les pauvres gens ne pourront jamais collectivement s’en sortir, jamais. Le film est avant tout une assez pâle copie de tout ce que le Mexique, au début du siècle dernier, pouvait présenter de sauvage. À dix pas, cent pas, derrière l’admirable, glaçante Horde sauvage il y a quelques séquences de violence, de mépris humain, de sauvagerie instinctive qui sonnent juste.

Et il y a, plutôt bien vues, les espérances populaires que ce monde terrible, asséchant, puisse un jour changer. Un nom, un mythe, Aguilar – ou Aquila, l’aigle – l’homme, le combattant, le chef invincible qui, un jour va permettre au monde de basculer et aux pauvres de devenir riches (on ne dit jamais, au demeurant si, mimétiquement, les riches vont devenir pauvres : c’est bien là la question, pourtant).

Mexique, terre terrible, effrayante, où la mort ne vaut rien, où le drame, l’horreur, la cruauté sont aux premiers rangs. Il me semble que, malgré la médiocre qualité du scénario, le réalisateur a touché du doigt quelques évidences. Dès lors, il est bien regrettable que le film soit empanaché de petites historiettes insignifiantes, qui alourdissent le récit, qui en font une banale retranscription de banalités. Si séduisante qu’est Alvira (Stella Stevens) qui cherche désespérément à retrouver l’assassin de son mari, son personnage n’a ni épaisseur, ni intérêt. De la même façon on regrette que disparaisse si vite du paysage Don Carlos (Telly Savalas), qui apportait de la densité, de l’espace, de la force au film.

Tout cela est plein de bonnes idées, mais dépourvu de cohérence : on suit paisiblement les massacres et les épouvantables cruautés qui s’étagent, mais on n’y croit pas vraiment ; ce qui est un grave défaut pour le genre.

 

 

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