Les grands espaces

Robuste affaire.

La quasi unanimité des avis sur Les grands espaces, les points de vue qui se confortent et s’enrichissent mutuellement, conviennent de la grande qualité du film…

Pour quelqu’un assez indifférent au western comme je le suis, c’est, malgré sa longueur (2h45 tout de même) une assez belle illustration du grand cinéma hollywoodien de jadis, nourri d’immensités paysagères et d’acteurs mythiques. Sans doute le récit se prend-il un peu trop au sérieux, sans doute les dialogues sont-ils sommaires, mais ces défauts-là font partie, précisément du genre : faire simple et efficace et ne mégoter ni grands sentiments, ni caractères sévèrement burnés.

Je n’avais de vrai souvenir que l’excellente musique du film de Jerome Moross, qui n’a pas, semble-t-il laissé par ailleurs beaucoup de traces et celui de la confrontation du pied-tendre McKay (Gregory Peck) et du contremaître Leech (Charlton Heston) autour de la jolie fille, fiancée de McKay, Patricia Terrill (Carroll Baker). Si la musique est toujours aussi réussie que dans mon souvenir, la confrontation des deux mâles est moins intense que je ne me la rappelais…

Et tout simplement parce qu’il y a un arrière-plan finalement plus violent et moins banal que l’habituel combat des coqs : la haine sans partage que se vouent le père de Patricia, le major Terrill (Charles Bickford), riche propriétaire terrien d’allure patricienne et l’ours mal léché crasseux, violent, Rufus Hannassey (Burl Ives) patriarche omnipotent d’une tribu de bouseux voyous….

L’idée intéressante du film est que, finalement, la plus grande canaille des deux vieux ennemis n’est pas le dégoûtant Hannassey mais bien le civilisé Terrill, prêt à tout pour venir à bout de son voisin. Pour une fois les méchants sont bien sales, laids et plutôt pauvres et les gentils beaux, riches, bien vêtus et bien logés, mais les gentils sont bien pire que les méchants. Voilà qui est roboratif.

L’histoire sentimentale pâtit largement de cette confrontation digne de l’antique. D’abord parce que d’emblée, dès qu’on voit Gregory Peck débarquer de la diligence et, quelques instants après, recevoir dans ses bras la blonde écervelée poupée insignifiante Carroll Baker, on se dit que cette apparente passion ne tiendra pas 2H40 encore. Surtout lorsqu’on voit surgir à l’écran la meilleure amie de ladite blonde, l’institutrice et propriétaire Julie Maragon (Jean Simmons), autrement séduisante et dense. Qu’arrivera-t-il à ces deux oiseaux-là, sûrement davantage faits pour la civilisation des villes que pour les immensités campagnardes ? On ne le sait pas trop à la fin, et on doute fort qu’après l’entretuerie des deux vieux sauvages, il puisse y avoir un espace tranquille dans la région…

Allez, je me moque un peu de cette robuste saga étasunienne. Mais enfin, entre les satrapes omnipotents mis en scène et le tyran mexicain qui ordonne qu’on lui apporte La tête d’Alfredo Garcia, il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. Ce que c’est que la haine, tout de même !

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