Les Tuche

La civilité puérile et honnête.

Mon cerveau ayant malheureusement désormais atteint un état intermédiaire entre le fromage blanc et l’éponge synthétique, je ne me rappelais absolument pas que j’avais déjà vu Les Tuche il y a plus de cinq ans : c’est le propre de ces horreurs de vous sidérer, de vous statufier, de vous vitrifier. Deux ou trois fois pendant le film ce qui me reste de lucidité a cru reconnaître un épisode déjà regardé, mais, comme bon nombre de psychopathes, je suis alors parti dans le déni, refusant d’admettre que je venais de passer à nouveau de précieuses minutes du temps qu’il me reste à vivre à regarder ça, alors que je viens de m’acheter l’édition Bluray de Autant en emporte le vent et l’intégrale de Angélique, marquise des anges qui auraient été bien plus intelligents à regarder. Que dire ? La vieillesse est un naufrage, on ne le répétera jamais assez fort et assez souvent.

 Au cours de mon existence, j’ai regardé, sans contrainte aucune, mi fasciné, mi horrifié, un nombre considérable de mauvais et de très mauvais films. Des films dégradants et obscènes. Et qui n’ont naturellement rien à voir au demeurant avec les charmants nanards qui, même exécrables, ont toujours un petit quelque chose de séduisant, de désuet, de nostalgique. Eh bien je pense que Les Tuche vont sans difficulté aucune entrer dans ma petite boutique des horreurs. Car si le mot n’était pas si beau, on pourrait appeler ça un véritable florilège de toutes les démagogies, de toutes les vulgarités, de tous les populismes, mais aussi de tous les sacrifices béats au politiquement correct de notre début de siècle et à tous les ukases sociétaux dont il n’est pas concevable de se moquer, le petit couple black/white, l’attirance homosexuelle du grand garçon et autres balivernes…
Dans ce film, il s’agit de conforter le spectateur-type de TF1 dans ses convictions primitives : les braves gens (en sociologie on pourrait les appeler culturellement attardés) disposent de bien plus de chaleur humaine et de richesse affective que les méchants riches et les douteux instruits qui, eux, sont malheureux comme des pierres dans leurs thébaïdes luxueuses où ils se déchirent, se méprisent et s’ennuient. Autrement dit, il est beaucoup plus épanouissant (on n’ose écrire ‘’porteur de sens’’) d’aller faire ses courses au Lidl du coin qu’à la Grande épicerie du Bon Marché. Si l’on veut ; mais c’est tout de même moins goûteux.

D’où, lorsque la famille Tuche gagne un gros lot et vient s’installer à Monaco, la confrontation conviviale, si je puis dire, avec les fortunés bien élevés au cœur sec et à la conjugalité défaillante, qui, finiront, bien sûr par succomber à la charmante simplicité du sous-prolétariat ; on voit bien combien la mentalité publique a reculé depuis 1988 et l’excellent et infiniment plus subtil La vie est un long fleuve tranquille.

La famille Tuche, c’est le père, Jeff (Jean-Paul Rouve), la mère Cathy (Isabelle Nanty), la grand-mère gaga (Claire Nadeau) et les trois enfants Wilfried, l’homo qui s’ignore (Pierre Lottin), Stéphanie la bimbo qui s’éprend d’un Noir (Sarah Stern) et le cadet Donald (dit Coin-coin ouaf ouaf !), l’extra-terrestre intelligent et bosseur. Plutôt de bons acteurs, ou des acteurs qui le sont lorsqu’on ne les fait pas tourner dans ce pudding accablant.

Accablant et acclamé par le public : près d’1,6 million d’entrées. Et c’est pourquoi il y a – pour l’instant – deux suites : Les Tuche 2  plus de4,6 millions et le dernier-né, Les Tuche 3 où Jeff Tuche est élu Président de la République et qui semble emporter tout sur son passage (3,6 millions en deux semaines d’exploitation). La critique émerveillée indique que la série va en s’améliorant ; admettons. N’empêche que pour moi, 0+0+0, ça fait toujours 0…

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