L’étrange histoire de Benjamin Button

Love story.

Je suis assez étonné que tant de bons esprits attachent de l’importance à ce film bien larmoyant, extrêmement long (près de trois heures), ce qui, en soi, ne serait pas grave, mais surtout terriblement lent. Je m’empresse d’emblée de dire que je n’ai absolument rien contre le cinéma du réalisateur David Fincher, dont j’ai plutôt apprécié Seven et Gone girl et dont je n’ai pas détesté Fight club ou Panic room.

D’après ce que j’en ai lu sur notre amie Wikipédia, la nouvelle de Scott Fitzgerald dont le film est adapté était bien davantage tournée vers le conte philosophique et moins sur un récit romanesque, bien conçu pour accrocher les émois adolescents des thuriféraires de Brad Pitt et de Cate Blanchett. Dans la nouvelle, publiée en 1922, Benjamin Button naissait déjà doté d’une taille adulte (on bénit la péridurale !), commençait à rajeunir, mais connaissait les évidents soucis et brimades qu’on devine, séduisait à l’âge symbolique de 50 ans une jeune femme attirée par les barbons (ce qui montre que cette fascination ne date pas d’hier), avait avec elle un enfant. Et bien sûr les deux chemins, de l’homme qui rajeunit, de la femme qui vieillit, se séparaient. Et ainsi de suite.

On le voit, à part les prémisses du bébé né vieux mais destiné à rajeunir, il n’y a pas grand chose avec la dramaturgie solennelle du film de Fincher qui montre davantage deux êtres dont l’amour aurait pu être exemplaire et magnifique, qui est presqu’à son origine rendu impossible par la triste particularité de Benjamin. Quelques années seulement, alors que l’heure avance pour elle, retarde pour lui, les amants vont se trouver à parité. Mais les banquises glissent et se séparent. Inéluctablement.

Ce qu’il y a d’impeccable, dans le film, c’est la clarté du discours ; on ne se perd jamais dans le récit, si compliqué qu’il est. Pourtant je n’ai pas bien compris l’intérêt de présenter une histoire hachée par la révélation que la mourante Daisy entend de sa fille Caroline (Julia Ormond) du journal de Benjamin (Brad Pitt). Voilà qui alourdit considérablement le propos et ne lui apporte rien, sinon l’image d’une vieillarde qui s’étouffe et va bientôt succomber. Mais pour le reste, c’est plutôt bien filmé, avec de substantiels moyens et des acteurs qui tiennent leur partie.

Maintenant tout cela est très prévisible et on sait au début de chaque séquence comment elle va se terminer ; Benjamin et Daisy connaîtront de sacrées vicissitudes avant de se retrouver, de vivre leur grand amour et de se séparer. On regarde cela avec un œil d’entomologiste saisi par la logique absolue des systèmes. Ni les amoureux ne peuvent échapper à leur attirance, ni ils ne peuvent faire que leurs barques s’éloignent.

Je ne sais pas s’il aurait été possible de filmer ce que serait, ce que pourrait être la lente descente vers l’inconnu et la régression d’un Benjamin qui devient à la fois physiquement enfant et intellectuellement sénile. Mais sauf à nous mentir, nous savons bien que nous finirons comme nous avons commencé : chauves, édentés, incompréhensibles et énurétiques.

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