L’homme qui n’a pas d’étoile

Les femmes sont des hommes comme les autres.

Voilà que, pour une fois, je ne me suis pas trop ennuyé devant un western de série et que j’ai même trouvé du plaisir devant une histoire assez complexe et bien fichue. Et puis la très bonne surprise de voir – pour une fois ! – un personnage féminin cynique, intelligent, autoritaire et légèrement pervers. Tout cela nous change du simplisme habituel de ces histoires du Nouveau Monde et de leurs récits à gros sabots (à grosses Santiags, devrait-on dire).

Même si les péripéties qui ont conduit le héros, Dempsey Rae (Kirk Douglas), à quitter le Texas pour le Wyoming ne sont pas si clairement exposées que ça, on devine qu’il représente une sorte de volonté libertaire de retrouver de grands espaces presque vides où tous, hommes et troupeaux peuvent s’ébattre sans limites et sans trop de règles. La figure du pauvre shérif Olson (Roy Barcroft), totalement démuni de tout pouvoir, devant la mauvaise bande de rapaces et tueurs qui va venir déranger sa relative tranquillité n’en est que plus désolante ; d’ailleurs son adjoint est une franche canaille.

Un peu pont-aux-ânes, mais gentiment amenée est l’amitié fraternelle entre Dempsey et Jeff Jimson (William Campbell). Jusqu’à avoir vu, il y a quelques mois l’assez ennuyeux Empereur du Nord de Robert Aldrich, je ne connaissais pas cette pratique étasunienne de resquille qui a semble-t-il culminé lors de la grande crise financière des années 30, avec le phénomène des hobos. Dans le film de King Vidor, il n’y a pas de revendication rebelle, ni une sorte de jeu de chat et de souris, mais plutôt une pratique commode. Et c’est ainsi que se lient deux sympathiques marginaux qui ont envie d’air pur et de grands espaces…

Le meilleur du film, et de loin, est d’avoir institué une femme, Reed Bowman (Jeanne Crain)propriétaire du Triangle, l’immense exploitation extensive où les deux hommes sont embauchés. Déjà 10.000 têtes de bétail, et d’autres milliers qui vont arriver du sud pour profiter des riches terres vierges et des grasses prairies du Wyoming (à dire vrai, sur l’écran, on ne voit guère que de grandes étendues desséchées et plutôt rousses que vertes). Et cette femme est à la fois autoritaire, déterminée, dépourvue de toute affectivité et extrêmement sensuelle. Elle perçoit tout de suite que Dempsey/Douglas est, à tous égards, une bonne affaire et le met dans son jeu tout en feignant de succomber en faible femme à la séduction assez primaire d’un homme sûr de ses charmes et assez content de les exhiber.

Cela étant, Dempsey est assez intelligent et assez fier pour ne pas se laisser manipuler et il regimbe tout de suite, rejoignant alors les éleveurs qu’il avait combattus jusqu’alors qui tentent, au nom d’une sorte de droit coutumier de borner avec des barbelés des territoires pour leurs troupeaux.

Un peu de mélodrame romanesque ne faisant pas de mal à un western, après avoir confié son frérot Jeff aux bonnes grâces de la ravissante Mary (Mara Corday) Dempsey s’éloigne seul, tel Lucky Luke pour de nouvelles aventures. N’empêche qu’on ne s’est pas ennuyé.

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