L’homme qui rétrécit

L’Homme, mesure de toute chose.

Ce qui est intéressant, dans L’homme qui rétrécit et qui contribue à donner au film une tonalité encore plus émouvante qu’effrayante, c’est le parti pris de montrer l’affreuse aventure survenue à Scott Carey (Grant Williams) de façon graduelle et irréversible. Les premières minutes situent rapidement les protagonistes, Scott et Louise (Randy Stuart), jeune couple heureux, aisé, aimant, tonique et donnent la raison du phénomène qui frappe le malheureux garçon : l’exposition à un nuage de radiations atomiques conjuguée malencontreusement à un épandage d’insecticides qui a déclenché une sorte de réaction en chaîne. On voit bien que les terreurs de 1957 ne sont plus celles des entraînées par les vampires et les loups-garous (qui reviendront toutefois très vite), mais celles des dangers d’une science qui n’est pas maîtrisée ou qui risque d’échapper à des apprentis sorciers ; Hiroshima et Nagasaki ne sont pas très loin dans les mémoires et la Guerre froide fait rage.

Le rétrécissement du pauvre Scott est d’abord constaté par une suite de petits faits d’apparence presque anodine : un pantalon qui semble trop long et trop large, une chemise dont le col baille ; des petits faits qui rencontrent presque du scepticisme chez ceux qui les constatent, la femme et le médecin du malheureux. Puis, dès que l’évidence s’impose, la mobilisation générale des scientifiques qui paraissent à l’origine presque plus étonnés qu’inquiets fait de Scott un terrain d’expérience.

Efficacité de la première ellipse temporelle. Saisi en contre-plongée, Charles Carey (Paul Langton), le frère aîné du héros, parle à son cadet dont on ne voit rien, puisqu’il est assis dans un fauteuil filmé de dos . Haut d’abord d’1,85 m, Scott Carey ne mesure plus que 83 cm. L’injection par les chercheurs d’un remède aléatoire stabilise quelque temps la régression mais il est bien sûr que tout est bouleversé. Étonnantes séquences où le malheureux fait connaissance de Clarisse (April Kent), ravissante naine d’une attraction foraine : Scott aime toujours sa femme Louise, mais il sent bien qu’elle et lui ne font plus partie du même monde… alors que Clarisse a sa taille, est même un tout petit peu plus petite que lui… jusqu’à ce que le processus de rétrécissement reprenne et que, horrifié, il fuie cette forme de bonheur. C’est drôlement bien, ce détachement progressif avec le monde normal, cet éloignement graduel…

Nouvelle ellipse, on ne sait combien de semaines plus tard : Scott vit maintenant dans une maison de poupée à sa taille, qui ne doit pas dépasser celle d’un doigt, sans doute moins. Le chat de la famille le chasse comme une souris. Le fuyant, il tombe dans la cave. Sa femme le croit mort. Fin de la première partie, la moins conventionnelle et sans doute la plus pathétique. La seconde, remarquablement réalisée est celle du récit de la survie de Scott dans l’environnement étrange et toujours dangereux de la cave : comment s’abriter, comment boire, comment manger, comment se défendre contre l’araignée gigantesque qui l’attaque, comment la tuer. Et tout cela en se résolvant peu à peu à l’évidence de la réalité : il va falloir vivre ainsi.

La fin du film qui voit Scott s’engager résolument, sous l’immensité du ciel étoilé, dans ce qui va être son existence, où sa taille diminuera encore jusqu’à la dimension d’une cellule, d’un atome, de moins qu’un atome est belle et presque exaltante : c’est l’Homme, mesure de toute chose (Platon – Protagoras), à proportion qu’il donne du sens à la Création.

C’est d’ailleurs pour cela qu’il a été créé par Dieu.

 

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