Lydia

8272da92Fond de tiroir.

Voilà un Duvivier très secondaire, un de ceux que l’on peut aisément oublier et qui n’ajoutera rien à la gloire de celui que, dans sa présentation, Jean-Pierre Donniet qualifie de plus grand cinéaste français, (point de vue que je partage absolument) qui livre là un film sans beaucoup de souffle, ni d’intérêt. D’ailleurs la note médiane que je lui attribue est un peu entichée de complaisance et n’aurait sûrement pas atteint ce niveau si je n’avais pas connu le nom de l’auteur.

Peut-on prétendre que Lydia est un remake de Carnet de bal, qui n’est certes pas un chef-d’œuvre, mais qui offre une ou deux merveilles, la rencontre de Christine (Marie Bell), qui cherche son passé avec Pierre (Louis Jouvet) qui lui dit du Verlaine, et la Valse grise de Maurice Jaubert sur qui ses soupirants, à son premier bal, viennent emporter les jeunes filles romanesques ? (Je note d’ailleurs que dans Lydia Duvivier réemploiera ces images de tourbillons pleins de grâce). Certes Lydia met en scène, comme Carnet de bal une amère réflexion sur la tristesse des vies gâchées, sur ce qui aurait pu être et n’a pas été, sur les erreurs et les incertitudes de la jeunesse, sur la légèreté des choix, mais de manière tout à fait superficielle et sans qu’on ressente d’aucune façon la pesanteur des destins abimés.

Lydia McMillan (Merle Oberon), parvenue à la fin de sa vie, à tout le moins au grand âge, rend visite à trois des hommes qui l’ont aimée, ne se sont pas consolés de son indifférence et de sa coquetterie et se sont réunis en son honneur. Car Lydia a été une jeune fille, une jeune femme riche, jolie, mutine, délicieuse, exaspérante, faisant basculer les cœurs et rendant malheureux des hommes aussi différents que le gandin footballeur américain Bob Willard (George Reeves), le médecin paisible Michael Fitzpatrick (Joseph Cotten), le musicien aveugle Frank Andray (Hans Jaray) ; et tout cela pour leur préférer Richard Mason (Alan Marshal) un marin volage et inconsistant qui, un jour est parti sans jamais revenir… Et celui-ci, convié à cette sorte de banquet funèbre qu’est l’enterrement de ces vieilles amours, ne se rappelle même pas qu’il y a eu une Lydia dans sa vie…

Si Duvivier avait tourné cela dans sa noirceur et son amertume habituelles, il aurait certainement pu faire de cette histoire sombre un film magnifique ; mais, sans doute influencé par les mièvreries étasuniennes de l’époque, il hésite sans cesse entre la comédie endiablée (mais pas assez endiablée) à la Capra et sa vraie nature, qui est celle du désenchantement et de la solitude. Cela donne un film où ni l’héroïne, ni ses soupirants n’ont la moindre consistance, la moindre épaisseur, la moindre empathie. Ce n’est pas la faute des acteurs, qui sont plutôt bons (malgré les piètres maquillages qui essayent de les vieillir dans les séquences des retrouvailles), ni des dialogues, qui n’ont sans doute pas l’acuité de ceux d’Henri Jeanson, mais qui tiennent la route, ni, bien sûr de l’impeccable technicité du metteur en scène, virtuose de la caméra…

Finalement un seul personnage émerge des facilités d’un film assez banal : celui de la grand-mère de Lydia, Sarah McMillan (Edna May Oliver), aussi rugueuse, spirituelle, violente et éperdue d’amour pour sa petite fille que la comtesse de Bonnafé (Marguerite Moreno) l’est pour Douce (Odette Joyeux). Mais Sarah meurt bien avant la fin de Lydia et d’une façon presque amusante.

On a finalement toujours tort de se refuser au tragique des situations.

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