Maigret

La jeune fille et la mort.

En regardant le générique jusqu’à la fin, je me suis aperçu, hier, au cinéma que Maigret était l’adaptation d’un roman intitulé Maigret et la jeune morte. Je n’ai pas lu ce titre-là, ce qui n’a rien d’extraordinaire, parce que, malgré mon immense admiration pour l’œuvre de Georges Simenon je ne possède pas l’intégrale de ce merveilleux polygraphe : plus de 350 romans publiés sous son nom, des centaines d’autres romans et de nouvelles avec l’utilisation de 27 pseudonymes. Le célèbre commissaire de la police judiciaire apparaît d’ailleurs, m’apprend notre amie Wiki, dans 75 romans et 38 nouvelles.

Wiki donne un résumé très complet du roman adapté pour le cinéma par le réalisateur, Patrice Leconte et le scénariste Jérôme Tonnerre. Mais assez curieusement, seul le début semble fidèlement reproduit. Et la suite me direz-vous ? Eh bien elle offre de curieuses et intéressantes ressemblances avec l’excellent Maigret tend un piège de Jean Delannoy (1958) avec Jean Gabin remarquable dans le rôle-titre. Je serais bien surpris, d’ailleurs, que l’excellent Leconte, qui connaît son patrimoine ne se soit pas inspiré du film de son prédécesseur pour une séquence où Gérard Depardieu déambule dans une sorte de passage intérieur entre des immeubles comme Gabin découvre, dans le Marais, un curieux itinéraire entre la rue de Turenne et la place des Vosges.

Naturellement il y a davantage : le dénouement de l’intrigue présente d’évidentes analogies avec le film de Delannoy : au moins un personnage crucial à la sexualité douteuse ou singulière, d’abord Jean Desailly aujourd’hui Pierre Moure et une mère-louve amoureuse de son fils et prête à tout pour l’innocenter, Lucienne Bogaert jadis, Aurore Clément là.

Cela étant, c’est habilement fabriqué avec cet entrelacs d’intrigues et c’est filmé avec grand soin, dans une reconstitution parfaite, très précise, très minutieuse de l’atmosphère de l’époque. Maigret et la jeune morte a été écrit par Georges Simenon en 1954 et c’est évidemment à ce moment que le film se passe. Une jeune femme est retrouvée morte, frappée de six coups de couteau, sans que rien puisse l’identifier, sur une place tranquille du nord du 9ème arrondissement. Qui est-elle ? Pourquoi a-t-elle été assassinée ?

Nous spectateurs, nous savons un peu davantage que le commissaire : nous avons vu la jeune, timide Louise (Clara Antoons) louer dans une boutique dirigée par Irène (Elizabeth Bourgine) une robe de soirée et se rendre dans une fête très chic. Et susciter, par sa seule présence la fureur des fiancés pour qui la fête est donnée, Laurent Clermont-Valois (Pierre Moure) et Jeanine (Mélanie Bernier). Pourquoi cette algarade, pourquoi la haine que semblent ressentir les fiancés pour la jeune fille ?

Je ne vais pas le raconter ; mais je me félicite de voir que – conformément à ce qu’écrivait Simenon, la résolution de l’énigme n’est pas le souci majeur du réalisateur, puisque l’on comprend assez tôt les tenants et aboutissants de l’intrigue. Reste l’exploration minutieuse et intelligente des esprits, dont le commissaire se régale : pénétrer dans la logique d’une mentalité, la décrypter, la révéler, la faire éclater au grand jour…

Alors Gérard Depardieu ? Il n’est jamais mauvais, le bougre, lorsqu’il a un rôle à sa mesure et il est assez massif, épais, terrien, large d’épaules et il a assez de talent, du talent à revendre pour incarner le personnage extraordinaire créé par Simenon. Disons pourtant que je l’ai trouvé par rapport à Gabin, un peu friable, un peu las, un peu fatigué. L’allusion à l’enfant qu’il a eu et qui n’a pas vécu, donne peut-être la clef de cette interprétation. Ce n’était pas tout à fait nécessaire à mes yeux.

 

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