Mean streets

Venez visiter Little Italy !

J’étais à deux doigts de m’étonner, dans la première heure, que ce capharnaüm confus puisse figurer au rang des films importants salués par la critique. Mais, j’ai pu résister, je suis allé jusqu’au bout des presque deux heures ; j’ai trouvé que la fin du film était plutôt meilleure que le début, ce qui n’est pas si fréquent que ça. Et aussi j’ai parcouru les intéressants suppléments qu’offre le DVD, celui qui présente les huit pâtés de maison qui forment la mythique Little Italy new-yorkaise, celui où Martin Scorsese revient sur les lieux de son tournage, celui où sont montés et présentés les films d’amateur en Super-8 qui forment le générique. Mais surtout celui où le réalisateur parle lui-même de Mean streets, en commente la raison d’être, si l’on peut dire. Et là, les choses s’éclairent davantage.

Ce n’est pas vraiment un film, dit-il, c’est une déclaration ou un exposé sur qui je suis, comment je vivais, ce à quoi je pensais et les dilemmes et les conflits qui m’habitaient à cette époque là. Voilà qui éclaire d’un jour nouveau les comportements des personnages mais aussi qui resserre un peu l’intérêt.

Faut-il, pour apprécier vraiment Mean streets avoir vécu l’adolescence prolongée de ces petits voyous insouciants, inconscients, immatures qui approchent – parce qu’ils baignent là dans, si je puis dire, leur substrat culturel – les vrais bandits ? On ne peut pas aller jusque là et le film présente de grandes, d’évidentes qualités d’observation et d’interprétation. Le rythme est rapide (peut-être un peu trop), le montage est nerveux, la caméra souvent portée à l’épaule est intrusive, fouineuse, brutale ; et même si tout n’a pas été tourné sur place on ressent (sans forcément la connaître mais tout au moins est-ce l’image qu’on s’en fait) l’atmosphère de ce coin crasseux, marmiteux, chaleureux de New-York. Et l’inclusion des chansons de l’époque, d’airs qui trottent dans la tête de tous ceux qui ont vécu l’époque est une heureuse initiative, d’autant qu’ils ne s’imposent jamais gratuitement mais interviennent avec beaucoup d’opportunité.

Mais enfin, tous ces trucs-là, c’est comme les histoires de régiment ou les retrouvailles de copains d’école : on ne les apprécie vraiment que si on les a vécues et quel que soit le talent du conteur, on bâille un peu à la longue. Je sais bien que tous les anciens troufions et les anciens lycéens ont connu des aventures nettement moins spectaculaires que celles que Charlie Cappa (Harvey Keitel) et Johnny Boy (Robert De Niro) vivent entre trafics divers, rackets, chantages, dettes de jeux, filles faciles et toits de gratte-ciel où l’on fait des cartons en tirant avec de gros calibres sur tout ce qui bouge, histoire de mettre un peu de piment dans les mornes soirées pluvieuses et accessoirement de ficher les chocottes à tout le quartier.

N’empêche que c’est vraiment une histoire de potes à quoi je n’ai pas vraiment accroché, à part lors des scènes violentes qui sont vraiment magnifiquement tournées : bagarre dans le bar louche, avec ce soldat revenu dérangé du Vietnam, crise d’épilepsie de Teresa (Amy Robinson), l’amoureuse de Charlie, scène finale sur l’autoroute urbaine, où Charlie, Johnny et Teresa sont littéralement expulsés de la communauté dont, volens nolens, ils faisaient partie…

Il va falloir grandir, les gars, se dit-on, et passer à autre chose ; ça n’a pas si mal réussi que ça à ScorseseKeitel et De Niro, n’est-ce pas ?

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