Merlusse

Notre prison est un Royaume…

La Compagnie méditerranéenne de films poursuit sa pieuse exhumation de toute l’œuvre cinématographique de Marcel Pagnol, en faisant attendre impatiemment certains des meilleurs films (La femme du boulanger ou Regain) et en plaçant un peu, chaque année, des opus mineurs : les années dernières, c’était le pâlot Cigalon ou l’épouvantable Belle meunière, en 2010, c’est le duo des Lettres de mon moulin et le moyen métrage (72 minutes) Merlusse.

Merlusse est une petite fable assez gentille et attachante, qui parlera surtout à ceux qui ont connu les lycées d’avant 68, et davantage encore les internats. Pour les cinéphages, il y a deux ou trois références qui s’imposent : Zéro de conduite, de Jean Vigo, Les (insurpassables) Disparus de Saint-Agil de Christian-Jaque et Les Diaboliques de Clouzot ; des films souvent nostalgiques, quelquefois exaspérés sur la tristesse des gamins délaissés, sur leur enfermement quasi militaire, mais aussi, finalement, sur le monde mystérieux et enchanté de l’adolescence.

Si j’ai titré ce fil Notre prison est un Royaume, c’est en référence à un très beau livre du bien oublié Gilbert Cesbron, dont beaucoup d’ouvrages ont été adaptés au cinéma (Il est minuit, docteur Schweitzer, Chiens perdus sans collier), ouvrages à sujets de société et à cas de conscience. Mais Notre prison, qui aurait fourni un excellent sujet, n’a pas tenté, bien à tort, un réalisateur.

merlusse02Dommage, car le monde des études grises, des couloirs brunâtres, des dortoirs fatigués se prête à bien des péripéties du monde enfoui des souvenirs.

Merlusse a été tourné avec de petits moyens ; brièveté du métrage, minimalisme des décors, acteurs de petite notoriété ; à part Henri Poupon, qui était une assez grande vedette de l’époque, on ne reconnaît guère, dans un rôle très secondaire, que Rellys et, pour qui regarde bien, un autre habitué des productions de Pagnol, Jean Castan, qui joue, dans Le Schpountz, le rôle de Casimir, frère d’Irénée Fabre (Fernandel). Il n’y a pas, ou à peine, de ces mots, de ces luxuriances de dialogue qui caractérisent souvent les films de l’auteur de Marius… Mais ça a beaucoup de charme, et c’est une jolie histoire de gamins indociles et quelquefois cruels qui découvrent que leur pion à la rudesse mal embouchée, bien laid, et à la terrible figure de mutilé (nous sommes en 1935 : la Grande guerre n’est pas loin), est en fait le meilleur des hommes.

C’est un peu un conte de Noël, ce qui tombe bien…

L’édition est très convenable ; il y a un passionnant enregistrement de Pagnol (malheureusement illustré par une seule image fixe !), enregistrement dans lequel l’auteur de tant de pièces à succès dit combien le cinéma lui a ouvert des horizons plus vastes et dans lequel il se moque du Muet…

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