Merveilleuse Angélique

Le moteur ronronne.

Merveilleuse Angélique, dans la série des films qui retracent les surprenantes destinées de la Marquise des anges, c’est un peu, comme on dit dans le Tour de France, une étape de transition entre la mise en place dans un climat torrentueux des personnages du premier volet et la poursuite de leurs aventures au milieu des événements criminels du temps (L’affaire des poisons dans Angélique et le Roy), du climat hautement périlleux des voyages (piraterie et esclavage) dans Indomptable Angélique, de l’exotisme conclusif dans Angélique et le sultan (ce dernier volet extrêmement faible, d’ailleurs, dans mon souvenir).

Pourquoi ce deuxième tome m’a-t-il paru bien moins bon que le premier (et moins aussi que le troisième qui n’est qu’un souvenir que je vais vite raviver) ? parce que les épisodes, pourtant fort mouvementés, se situent dans une période relativement stable de la vie de la Marquise. Certes elle partage la vie et les brigandages de la bande de Nicolas (Giuliano Gemma), désormais Calembredaine son ancien amour de jeunesse, assiste aux furieux étripages entre bandes rivales, certes Nicolas meurt dans ses bras… Certes, aussi, alors qu’elle est bourgeoisement établie dans une taverne à l’enseigne du Masque rouge son établissement est-il ravagé par une clique de débauchés menés par Monsieur, frère du Roi (Robert Porte) ; certes son amant de passage, le Poète crotté (Jean-Louis Trintignant) est pendu un peu de son fait…

Mais enfin, malgré tous ses malheurs, elle ronronne un peu, pour qui la connaît si bouillante, dans une sorte de confort presque bourgeois, choyée par les malandrins, prospère aubergiste qui émerveille le vieux tabellion Bourjus (Noël Roquevert) de ses audaces, puis lançant la vogue du chocolat, dont la Reine est friande et dont elle obtient la patente exclusive, arbitre des modes et fashionista irrésistible. Au point qu’à la fin du film elle est présentée au Roi dans les jardins de Versailles par son cousin Philippe de Plessis-Bellières (Claude Giraud) qui va en faire sa femme. Je ne dis pas que ça sent le pot-au-feu et le miroton mais tout de même elle nous avait habitués à davantage !

Et puis il manque quelqu’un là-dedans, finalement. Bien sûr la geste d’Angélique est bâtie autour de la personnalité lumineuse, altière, sensuelle, courageuse, décidée de la Marquise ; mais il lui faut, pour équilibrer les choses, en contrepoint, si l’on veut, une figure masculine forte qui peut seule la plier. Celle de l’avocat puis policier Desgrez (Jean Rochefort), évidemment amoureux furtif et silencieux n’est pas dans ce registre. Il manque la personnalité mystérieuse, fabuleuse, impressionnante de Geoffrey de Peyrac (Robert Hossein), le balafré bancal richissime, le voyageur du monde entier, le savant qui est en avance sur son temps, le bretteur qui, malgré sa jambe abîmée a transpercé la meilleure lame du Royaume dans l’épisode précédent.

Paradoxalement – mais non, en fait, la chose est évidente et conçue pour nous le faire sentir – Angélique se donne beaucoup dans ce film : à Calembredaine, au Poète crotté, à Plessis-Bellière : trois strates différentes de la société, la tourbe, la bohème, l’aristocratie ; mais aucun n’arrive à lui faire oublier Peyrac. (Et, tout à fait entre nous, je ne vois pas comment elle peut se sortir des griffes des argousins qui lui ont ramené son fils vendu à des Bohémiens sans avoir quelque complaisance avec le sergent qui ricane en voyant que son capitaine a abusé de l’eau-de-vie).

Mais enfin, ainsi qu’il est dit, nous arrivons désormais à Versailles. Le Roi n’a pas 30 ans ; il est beau, puissant et il aime les femmes (mais beaucoup moins que la France et le Pouvoir). La suite va être fastueuse.

 

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