J’aurais mauvaise grâce, après avoir souhaité l’édition en DVD de ce film de l’inconnu Georges Friedland, de protester pour m’être fait avoir et de grogner contre sa nullité. Nos actes nous suivent, dit opportunément L’Ecclésiaste et, somme toute, je n’avais qu’à faire davantage attention à mes emplettes.
Qu’est-ce qui peut pousser un éditeur à sortir de pareils machins, alors que tant de films magnifiques, ou simplement intéressants, dorment dans les tiroirs ? Voilà un bien grand mystère ! Si le nom d’Édith Piaf et le mythe que, complaisamment nostalgiques, les télévisions nous resservent périodiquement a encore quelque poids, qui, à part quelques dinosaures de mon genre, se souvient des Compagnons de la chanson ? Voilà un DVD qui est typiquement de la veine de René Château, et dont la collection Gaumont à la demande, mieux inspirée habituellement, aurait pu se passer.
Neuf garçons, un cœur est un film d’une rare indigence, au scénario insignifiant, aux dialogues inexistants et qui n’a pas même pour se racheter aux amateurs de vieilles choses, l’excuse de montrer la France de 1948, ou, à peine, grâce à quelques images de boîtes de nuit chic, au service empressé. Il n’y a pas même une abondance de numéraux musicaux que l’argument aurait pu permettre d’exhiber (le sort d’une aspirante chanteuse et de ses neuf camarades). Et, à part La vie en rose, qui a acquis une nouvelle jeunesse grâce à l’incongrue surprise faite au nouveau Président de la République par Mme Trierweiler à Tulle le 6 mai dernier, les chansons du film n’ont pas acquis beaucoup de notoriété.
Aussi bien Piaf que les neuf Compagnons de la chanson, qu’ils soient collectivement ou individuellement considérés sont d’une parfaite insignifiance cinématographique. Après avoir vu la catastrophique Étoile sans lumière du non moins catastrophique Marcel Blistène, je n’avais plus aucun doute que la première nommée était encore pire actrice que chanteuse. Neuf garçons, un cœur le confirme au delà du raisonnable…
Je suppose que ce genre de film sans queue ni tête, au scénario mince comme les réserves monétaires de la Grèce, n’avait d’intérêt, au lendemain de la guerre, que de montrer au bon public, non encore pourvu de télévision, le visage des vedettes qu’il entendait à la radio. Mais on avait fait beaucoup mieux, avant 39, avec Trénet, les délicieux Pills et Tabet ou, un peu après, avec Irène de Trébert. Et quand, en 49, un an seulement après Neuf garçons, un cœur, l’orchestre de Ray Ventura déferle sur les routes de France avec l’irrésistible Nous irons à Paris, ça a tout de même une autre qualité !