Paris au mois d’août

Comédiens sans le savoir.

Qu’est-ce qui manque à ce film de 1966 pour être ce dont je me souvenais et que je n’avais plus vu depuis sa sortie ? Qu’est-ce qui manque à Paris au mois d’août pour être aussi déchirant que son titre intense et la chanson composée par Georges Garvarentz, écrite et chantée par Charles Aznavour lors du générique de fin ? Un générique immobile qui, lui, est bien à la mesure de ce que devrait être tout le film, un petit coup de poignard dans le cœur et beaucoup d’amertume ? Sans doute un peu de cohérence et un trop grand éparpillement. Mais c’est bien, souvent très bien et même quelquefois touchant.

De fait, il y eut un temps où Paris, la ville toujours belle devenait, en plus, quelque chose comme étrange. C’était le temps où usines, ateliers et magasins fermaient tous en même temps et où le tourisme de masse n’avait pas ravagé le monde. Rituellement, aux lendemains du 15 août, les journaux publiaient une photographie de la place de la Concorde absolument déserte. C’est dans ce désert et dans les rues aux volets clos que Pierre Granier-Deferre filme une histoire simple et bête comme la tristesse.

Henri Plantin (Charles Aznavour) est un petit employé étriqué au rayon de la pêche des grands magasins de la Samaritaine, magasins où effectivement, on trouvait tout et qui sont en train de devenir un hôtel de luxe, entre autres choses. Pour on ne sait quelle raison, il ne peut partir en vacances à Concarneau avec sa femme (Etchika Choureau) et ses deux enfants. Occasion pour le provisoire homme seul de prévoir des apéritifs sages et des parties de pêche avec ses copains Cogaille, parasite urbain (Michel de Ré) et Civadusse, peintre sans acheteurs (Daniel Ivernel).

Mais un homme seul est toujours en mauvaise compagnie, selon Paul Valéry, qui ne fait que rejoindre là le Vae soli ! de l‘Ecclésiaste (IV-10). Fortuitement, au sortir de son travail, quai de la Mégisserie, Plantin croise la route de Patricia Seagrave (Susan Hampshire), pépiante anglaise gracieuse à qui il montre le chemin du Panthéon puis séduit, ravi, grisé par l’aventure, le Luxembourg et Saint Germain des Prés. Dîner (chez Lipp, à l’étage, il me semble) puis reconduite jusqu’à l’hôtel de la jolie fille, aux alentours de la rue de Richelieu, vers la fontaine Molière.

Si l’on n’a pas lieu de penser qu’Henri Plantin soit un homme à bonnes fortunes ni même ait jamais songé à donner un coup de canif au contrat (comme on disait naguère), ce n’est pas tout à fait pareil pour Patricia. Elle vient de vivre une histoire d’amour douloureuse avec un William qu’on ne verra jamais ; une histoire dont elle n’est pas tout à fait sortie et dont on peut penser qu’elle ne sortira pas, parce qu’elle n’en a aucune envie.

Il y a quelque chose d’évident et d’inéluctable à ce qui va arriver. Henri s’est vite enflammé et Patricia va se prendre au jeu, parce que cette flamme l’amuse et la flatte (Henri lui a fait croire qu’il était un peintre célèbre) mais aussi pour fuir l’image de William et peut-être même pour passer le temps pendant les quelques jours de son contrat à Paris. Son employeur, le photographe Peter (Alan Scott) a beau la mettre en garde, rien n’y fait.

Les prises de vue à Paris s’achèvent et Patricia va retourner à Londres. Et Henri est prêt à la suivre, à quitter femme, enfants, copains, boulot. Mais la vie n’est pas faite comme ça. Et femme et enfants reviennent de Concarneau. Et c’est la fin de l’amour d’été…

Tout cela serait très bien et l’est aussi, dans une certaine mesure si ce n’était un peu hétéroclite. Sans doute le roman de René Fallet, dont est adapté le film est-il ainsi (je ne l’ai pas lu, mais le récit est bien dans sa manière). Seulement, au cinéma, les interventions drolatiques des copains sont, à mon sens un peu trop présentes et rompent la fluidité de la progression de ce qui n’est pas vraiment un drame mais qui restera comme une coulée d’eau grise et une blessure à quoi on s’accoutumera, mais qui se réveillera et brûlera de temps en temps. Durement, peut-être même.

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