Pleasantville

Une fable gentille.

Je suppose qu’il n’y a pas lieu, aujourd’hui, de s’extasier devant la performance technique. Pourtant, à l’époque de sa sortie – 1998 – le film avait fait une certaine impression notamment grâce à ça.

À quoi ? Un monde de cinéma en Noir et Blanc qui prend graduellement des touches de couleur, de plus en plus importantes, jusqu’à, vers la fin, changer complètement de tonalité. Et pourquoi ? Parce que deux teen-agers de la fin du dernier siècle ont été précipités quarante ans auparavant dans le monde idéal de Pleasantville et, par leur seule présence, séductrice – ou corruptrice, on peut juger cela selon les points de vue – l’ont fait basculer vers autre chose.

Le monde idéal est celui d’un feuilleton télévisé religieusement regardé chaque jour par un des protagonistes, Bud Parker (Tobey Maguire), en perpétuelle chamaillerie avec sa sœur Mary-Sue (Reese Witherspoon) ; le feuilleton décrit une de ces sociétés figées des bourgades étasuniennes des années Eisenhower, à base d’ice-creams, de tartes aux pommes, de chapeaux mous, de robes sages et d’adolescents conduisant des voitures décapotables interminables.

Mais, comme c’est un feuilleton télévisé, les personnages n’y ont pas de réalité, ni physiologique, ni sentimentale. On y répète chaque jour ce qu’on y a fait la veille. Il ne s’y passe rien. Tout y va pour le mieux. L’arrivée des deux parachutés (qui ne sont pas des intrus, à proprement parler, puisqu’ils prennent simplement la place de deux adolescents, dotés de deux parents aussi charmants que figés et niais) va donc tout changer.

Il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour voir dans le film un clin d’œil iconoclaste vers la Genèse. Jardin d’Éden, serpent tentateur, prise de conscience, à la suite du péché originel, du Bien et du Mal. Leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus.

La société de Pleasantville était bien ennuyeuse avant l’arrivée de Bud et de Mary-Sue ; que deviendra-t-elle après qu’ils auront été rappelés dans leur temps d’origine ? Il serait amusant que le film recommence au moment où il se termine. La fin de l’innocence marque le début de la liberté. La violence, la jalousie, la méchanceté, le meurtre vont arriver peu à peu, sûrement. Après la chute (Gn 3) vient l’histoire de Caïn et d’Abel (Gn 4)…

Mais bon… Ce gentil film de teen-agers ne mérite tout de même pas qu’on approfondisse la réflexion.

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