Quand tu liras cette lettre

Ouille !

Quand tu liras cette lettre est à Jean-Pierre Melville ce que La belle meunière est à Marcel Pagnol : un accident incongru de la filmographie, une erreur majuscule, mais si outrée, si excessive qu’on ne peut qu’à peine l’imputer à l’auteur, tellement c’est loin de sa manière et de son talents habituels.

Après l’écrasant ennui des Enfants terribles et le douteux et guindé Silence de la mer, voilà qui ne laissait guère présager la fulgurante carrière d’un des plus grands cinéastes français. Heureusement, dès le film suivant, Bob le flambeur, Melville entrait vraiment dans le cinéma.

Quand tu liras cette lettre est un affreux, piteux mélodrame, qui confine souvent au ridicule, y parvient à maintes reprises et l’outrepasse même quelquefois. L’histoire est faussement rocambolesque. Elle n’a pas même le charme des poncifs qui forgent souvent la trame des récits tragiques larmoyants, fond de sauce des mélos. C’est invraisemblable – ce qui n’est pas bien grave – mais aussi ennuyeux, convenu, sans surprise et sans rythme : après la mort de leurs parents, Thérèse (Juliette Greco) quitte le noviciat de son couvent pour s’occuper de sa jeune sœur Denise (Irène Galter) qui est un peu simplette, et qui va s’amouracher de Max, petite frappe crapuleuse (Philippe Lemaire), faux boxeur, vrai gigolo, saligaud à gueule d’ange, séducteur et violeur compulsif à la DSK.

On voit tous les développements prévisibles qui peuvent découler de ces prémisses alarmantes… En sollicitant beaucoup les choses on pourrait dire que ça présente des analogies avec un film aussi formidable et glaçant que Voici le temps des assassins de Duvivier, mais ça n’a en fait rien à voir.

quand05Je n’ai jamais nourri une dévorante attirance pour Juliette Greco, ni pour son image de passionaria existentialiste, ni pour celle de grande dame de la chanson française qui n’en finit plus de se survivre. Elle montre dans le film, pour qui aurait pu en douter, qu’elle était aussi faite pour le cinéma que moi pour le macramé et la peinture sur velours. Hiératique et coincée, avec une diction flutée et exaspérante, elle ridiculise absolument son personnage et, alors que le film devrait reposer absolument sur ses épaules, y semble effacée et absente.

Si quelques figures de second plan tiennent le choc (Fernand Sardou, Daniel Cauchy, Robert Dalban), celui qui tire le mieux son épingle du jeu de cette malheureuse aventure c’est cette petite frappe veule de Philippe Lemaire qui est pas mal du tout en vermine intégrale.

Sauf, naturellement lorsque – touché par on ne sait quelle grâce divine ! – il tombe amoureux de Thérèse (ce qui ne l’empêche pas, d’ailleurs, pris par une sorte de dépendance graveleuse, de rouler des pelles à la petite bonne du bistro où il est censé attendre son aimée, cela juste avant que le doigt fatal du Destin (oh oh !) le foudroie.

Je me demande pourquoi j’ai donné la note de 1. Ce genre de films ne se juge pas : il s’oublie…

Leave a Reply