Regain

La mort du pain.

Un DVD de qualité vient enfin de sortir, image et son restaurés, à la Compagnie méditerranéenne de films comme tous les autres longs métrages de Marcel Pagnol. Comme Angèle est également parue, dans la même collection, il ne reste plus à éditer que la version de 1936 de Topaze (avec Arnaudy) et – si on retrouve quelques bobines – la fameuse et inachevée Prière aux étoiles et l’œuvre cinématographique de Pagnol sera exhaustivement présente.

  Je dois dire que je n’avais plus vu Regain depuis bien des années, quarante ans peut-être et que je m’en faisais une idée meilleure que la réalité qui m’est apparue. De fait, je rejoins plutôt les avis qui jugent le film un peu long, un peu verbeux et estiment qu‘Orane Demazis la catastrophique est là plutôt pire encore qu’elle ne l’est dans tout ce qu’elle a joué : la Trilogie (Marius, Fanny, César) et Le schpountz – et sûrement aussi Angèle, mais comme je n’ai pas encore revu le film, je m’abstiens -. Mais enfin, imaginez-vous que, si Pagnol n’était pas passé à d’autres amours, elle aurait pu prendre la place de Ginette Leclerc dans La femme du boulanger ? J’en frémis, rétrospectivement !

Orane Demazis, donc, mais aussi Fernandel, que peu de metteurs en scène ont pu canaliser suffisamment pour assagir son grand talent ; dans la plupart des films – dans leur quasi-totalité, en fait – il y a toujours une ou deux séquences où l’acteur déborde, éclabousse, passe les bornes du bon goût, ce qui fait sans doute bien rire le spectateur moyen qui est là pour se faire péter la sous-ventrière mais gâte un peu le propos du cinéaste. Parce que Regain n’est pas – mais alors pas du tout – une histoire gaie, nourrie de provençalades où les bons mots courent les uns après les autres et où la faconde tient lieu de scénario. Attention ! Je n’ai pas dit que les films de Pagnol sont des gugusseries de boulevard : pour la plupart, ce sont des tragédies dissimulées et discrètes ; mais Regain l’est peut-être davantage encore que La fille du puisatier ou Naïs : c’est un grand roman de Jean Giono, un de ceux de sa première période où il imagine qu’un retour à la nature est possible et permettra, même, de retrouver et d’ancrer des valeurs éternelles de simplicité et d’harmonie.

Le village d’Aubignane a été peu à peu abandonné par ses habitants et tombe en ruine, envahi par les ronces et les lézards. N’y subsistent que trois habitants, Gaubert (Édouard Delmont), la vieille Mamèche un peu sorcière (Marguerite Moreno) et le brave Panturle (Gabriel Gabrio) qui vit en sauvage de cueillette et de chasse. Gaubert, trop vieux, s’en va dans la plaine retrouver son fils Jasmin (Charles Blavette) et sa bru acariâtre Belline (Milly Mathis). La Mamèche ne supporte pas qu’Aubignane puisse vraiment mourir et elle va détourner vers le village la course pesante du rémouleur Gédémus (Fernandel) et de sa propre esclave Arsule (Orane Demazis), une fille perdue qui a roulé depuis toujours sous le désir des mâles.

Gédémus, dédommagé, quittera la scène, Panturle et Arsule découvriront l’amour, et Jasmin, aux dernières images, viendra les rejoindre ; le village revivra. Tout cela est bel et bon, mais un peu naïf, autant chez Giono que chez Pagnol. Pour autant le film peut trouver des accents lyriques et présenter de belles images désolées. Gabriel Gabrio, au ton un peu emphatique, n’est pas mauvais et les acteurs secondaires sont ceux que l’on aime chez Pagnol. Mais les meilleurs films du cinéaste sont – à part La femme du boulanger, grâce à Raimu sans doute – ceux qu’il a lui -même écrits…

 

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