Snowden

La surprise du chef.

Les États-Unis sont les spécialistes de ces films qui relatent avec le maximum d’exactitude et de véracité des épisodes de leur maigre histoire. Je me souviens des terriblement ennuyeux Hommes du Président, d’Alan J. Pakula qui retraçaient la malencontreuse affaire du Watergate qui aboutit à la révocation de Richard Nixon, un des hommes d’État les mieux élus de toute la kyrielle américaine. C’est très sérieusement fait, très consciencieux et on se dit que ça ressemble à l’acte d’accusation ânonné par un greffier devant une chambre correctionnelle. En d’autres termes, c’est impeccable et ennuyeux.

Le nom d’Edward Snowden ne m’était pas tout à fait inconnu jusqu’à ce que je regarde le film à lui consacré par Oliver Stone, réalisateur d’une certaine notoriété, paraît-il, mais dont je n’avais jamais encore vu le moindre film. Et ce qu’il a produit ne me donne pas tellement envie de découvrir ses laborieux travaux sur Kennedy (JFK, 1991), Nixon (1995), George Bush (W., l’improbable président 2008) ou sur les arcanes de Wall street (1987 et une remise à jour en 2010). On voit bien que le monsieur est un Robin des Bois inondé de sa propre Vertu (le V majuscule s’impose) qui entend dénoncer Urbi et Orbi la malfaisance intrinsèque des autorités légitimes de son pays et des banquiers auprès desquels il trouve le financement de ses films (comme le disait le regretté Lénine, Les capitalistes nous vendront jusqu’à la corde avec laquelle nous les pendrons).

Snowden est apparemment un brave garçon patriote idéaliste, qui a commencé une carrière d’informaticien à la CIA, faute d’avoir pu entrer dans les Marines et qui un beau jour s’est rendu compte que son pays utilisait les ressources de l’informatique moderne pour élaborer des programmes d’écoute susceptibles d’intercepter les menées terroristes. La belle affaire ! Comme si, depuis toujours, les différentes officines d’espionnage ne veillaient pas avec gourmandise sur les correspondances, les conversations, les commentaires, les commérages, les confidences plus ou moins imprudemment lâchés ici et là par des pékins de quelque intérêt et de quelque importance. Je rappelle que l’affaire Dreyfus est née en 1894 d’une corbeille à papier de l’Ambassade d’Allemagne à Paris opportunément examinée par une femme de ménage française employée par le 2ème Bureau.

Le film est d’une lourdeur, d’une pesanteur extraordinaires : il n’épargne au spectateur aucune des pérégrinations d’Edward Snowden (Joseph Gordon-Levitt) et de sa petite amie Lindsay Mills (Shailene Woodley) dans tous les pays où le type est envoyé par son administration, Hawaï ou Hong-Kong. Lanceur d’alerte qui se drape dans la plus extrême rigueur morale pour négliger les contraintes de la raison d’État, Snowden se pose en si haute conscience qu’il livre des secrets peut-être essentiels pour la sauvegarde de son pays à des journalistes fouille-merde qui, littéralement, jouissent de pouvoir donner au public des informations qu’il est généralement sage de tenir éloignées dudit public.

Enfin, voilà, je m’énerve alors que je devrais simplement juger le film pour ce qu’il est : un pesant compendium vertueux sur un type qui se veut le héros des Droits de l’Homme mais qui après avoir voulu gagner la République d’Équateur via Cuba (deux pays démocratiquement exemplaires, c’est bien connu) est réfugié depuis 2013 en Russie. Le Président Vladimir Poutine doit vraiment s’amuser des billevesées des Occidentaux, au jabot gonflé et à la jactance insupportable !

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