Taken

Drôle d’emploi pour une rencontre.

C’est sans doute parce que je ne connais pas bien les développements du cinéma mondialiste étasunien, plutôt conformé pour en mettre plein les yeux à toutes les salles de cinéma du monde. Un cinéma qui propose à l’admiration des foules des personnages surpuissants, des héros qui ne reculent devant rien mais qui ont aussi leurs failles et leurs tendresses. Rien à voir avec le cynisme indifférent de James Bond ou de Derek Flint, qui évoluaient dans un autre monde, beaucoup moins vertueux, beaucoup plus désinvolte et rieur. Au fait, en creusant un peu – à peine ! – le sujet, je me suis aperçu que le personnage de Bryan Mills, ancien agent secret presque invulnérable, s’est manifesté dans une série de trois films, toujours avec, en vedette Liam Neeson et que je n’ai regardé que le premier d’entre eux.

À dire le vrai, je suis à peu près convaincu que je n’irai pas me promener du côté des deux épisodes suivants,Taken 2 et Taken 3, qui doivent être à peu près de la même farine que le premier, Taken et qui bénéficient de la singularité d’être tenus pour être des films français, alors qu’ils puent tous l’adulation que Luc Besson, leur producteur, voue aux États-Unis d’Amérique ; ce qui ne l’empêche pas de recevoir les grasses subventions de l’État et du généreux système de financement du cinéma.

Cela étant écrit, je n’ai pas boudé mon plaisir devant le conte de fées présenté. Conte de fées ? allez-vous vous étrangler à me lire, me rappelant avec des mines indignées qu’il s’agit d’un film où une bande de gangsters vit de l’enlèvement de jeunes filles écervelées qu’elle drogue et prostitue et que le héros, pour récupérer sa fille Kim (Maggie Grace), est amené à zigouiller une bonne trentaine de canailles diverses, assez souvent de sang-froid au demeurant. Eh oui, conte de fées. Faites-vous mine d’ignorer que les histoires de Perrault, d’Andersen et quelques autres légendes sont bâties avec les pires des terreurs et ne se résolvent qu’à grand peine et à grand mal dans le bruit et la fureur ?

Que peut-il y avoir de pire pour un père que de vivre en direct, au bout d’un téléphone, alors qu’il végète en Californie après sa démission des services spéciaux, l’enlèvement, à Paris, de sa fille unique dont il apprendra rapidement qu’elle est destinée à la traite des blanches par un réseau spécialisé ? Un réseau albanais féroce ; au demeurant ce genre de films est de ceux qui ne vont pas faciliter les négociations pour que Tirana devienne le énième membre de l‘Union européenne ; ce qui n’est pas plus mal tant on sait que depuis l’effondrement du communisme cinglé (pléonasme, non ?) d’Enver Hoxha, l’Albanie est un État totalement aux mains des maffias.

Donc Bryan Mills/Neeson traverse à toute allure l’Atlantique et se retrouve à Paris. Selon les meilleures sources, il ne dispose que de quatre jours (96 heures) pour retrouver sa fille avant qu’elle ait disparu dans un des multiples bordels du monde. Et il va mener sa quête de main de maître.

Je reviens à mon idée de conte de fées ; s’il n’y a pas une chose à demander à Taken, c’est une élémentaire vraisemblance ; on veut bien admettre encore la force du héros, sa capacité à combattre et à triompher de tous les bandits qui lui sont opposés, à conduire à contre-sens sur la voie express de la rive droite (celle que l’affreuse Anne Hidalgo a fermé pour mieux embouteiller les quais hauts), à percuter de gros 4X4 lors d’une poursuite dans un chantier boueux : tout cela fait partie de la mythologie du super-héros et c’est très bien ainsi. Mais je suis moins satisfait par la suite merveilleuse de chances et d’opportunités qui fait que Bryan arrive précisément à l’heure, à la minute, à l’instant adéquat pour que l’intrigue puisse se développer ; ne parlons pas non plus des ellipses temporelles qui permettent au héros de demeurer dans le cadre imposé des quatre jours. Les miracles, les prodiges, les heureux hasards permettent au film d’avancer et aux intrigues de tenir haletants les spectateurs.

C’est donc un agréable spectacle où le bon triomphe d’une infinité de salopards. Ce qui montre bien que c’est un conte de fées, n’est-ce pas ?

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