The ghost writer

Où est passé le Polanski d’antan ?

Ma note moyenne est une note d’humeur, sûrement inférieure à ce qu’elle serait si le réalisateur de The ghost writer n’était pas Roman Polanski qui tourna, il y a quarante ans et davantage, certains des films les plus angoissants qui se puissent.

The ghost writer est une sorte de broderie en forme de thriller sur les destinées d’un ancien ministre britannique, Adam Lang (Pierce Brosnan), dont les traits communs avec Tony Blair sont l’évidence même.

Une étrange atmosphère entoure Adam Lang.

 

Une atmosphère qui entoure, d’ailleurs, ceux qui, après avoir détenu d’énormes pouvoirs apparents se voient, par le jeu de l’opinion volage et du désamour des électeurs, ou par des règles institutionnelles aussi contraignantes qu’absurdes rejetés hors des affaires du monde est le meilleur du film. En voyant Lang/Blair, on songe à Giscard, à Schröder, à Clinton qui, encore fort jeunes se sont trouvés à la fois éloignés définitivement de la direction de ce qui avait jusque là conduit leur vie et leur ambition, et détenteurs de souvenirs, de secrets, d’expériences extraordinaires.

Qu’un tel personnage, entouré de sa petite cour de pasionarias énamourées, de serviteurs zélés, d’avocats efficaces, de gardes du corps patibulaires écrive ses mémoires est la loi du genre ; et qu’il se fasse assister par un spécialiste de la chose, un nègre littéraire est également habituel.

Le décor est donc bien posé ; le nègre, Ewan McGregor, flanqué d’un caricatural agent (Jon Bernthal) est choisi avec cette délicieuse brutalité qui parait être la marque des éditeurs anglo-saxons ; il débarque, en plein hiver, dans une île de Nouvelle-Angleterre qui me semble être (avec l’affreux Afghanistan) une des terres les plus inhospitalières et ennuyeuses qui se puissent au monde et qui est pourtant censée être quelque chose comme Martha’s Vineyard, la résidence d’été de la bonne société de la Côte Est ; c’est désolé, plein de pluie, venteux, enquiquinant comme tout d’apparence. Le premier jet des mémoires de l’ancien Premier ministre est protégé comme l’or de Fort Knox (memento Goldfinger !) et l’écrivailleur va se mettre au travail.

Dans beaucoup de films du Polanski de la grande époque, il y a, à un moment donné, dans l’ordre apparent des choses, souvent tranquille, serein, même, une sorte de fissure qui survient, qui s’élargit de plus en plus en fracture et qui rend le récit de plus en plus insoutenable ; c’est le cas du Couteau dans l’eau, de Répulsion, bien sûr, de Cul-de-sac, de Rosemary’s baby, de Frantic, par exemple. C’est souvent une des raisons de la force de ces films, la montée chromatique, l’apparition d’un nuage dans un ciel bleu.

Dans The ghost writer le nuage est là d’emblée, puisque le film commence par la découverte, sur la plage désolée, du corps noyé du confident de l’ancien Premier ministre, son premier nègre désigné, qu’Ewan McGregor va donc remplacer. On sait donc d’emblée qu’un lourd secret pèse sur beaucoup de gens, que la place du nègre est dangereuse, et qu’il va se sortir brillamment de l’épreuve (enfin…presque). Voilà qui donne moins de sel au film, ravalé à un récit efficace, bien fichu, finalement assez prévisible, jusqu’à la révélation finale, qui est d’une très grande innocuité à mes yeux, et qui n’a rien d’étonnant ou d’excitant.

Acteurs de qualité – même si je n’arrive pas à imaginer Pierce Brosnan dans un autre rôle que le médiocre James Bond qu’il fut – avec deux mentions spéciales : le joli clin d’œil donné par Polanski à Eli Wallach, qui conserve, à près de 95 ans (eh oui ! je n’en crois pas mes yeux ! il est de 1915 !!!) une capacité d’étrangeté physique extraordinaire, et la finesse de jeu d’Olivia Williams, qui interprète Ruth, la femme du Premier ministre, capable d’être en quelques tournures, insignifiante, acariâtre, puis très séduisante… jolie performance d’actrice…

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