Soleil levant.
On n’imagine pas ce qu’étaient jadis les Jeux Olympiques : un individu qui n’était pas particulièrement intéressé par le sport de compétition (d’ailleurs y a-t-il autre chose que la compétition, dans le sport ? distinguons le de l’exercice physique !), c’est-à-dire la grande majorité des habitants du Vieux et du Nouveau Monde pouvait pratiquement passer la quinzaine olympique sans entendre parler des épreuves. Les journaux d’information n’accordaient aux nouvelles qu’une place restreinte, il n’y avait qu’une chaîne de télévision, et que quelques radios (et France-Info n’existait pas).
Et quand, au surplus les Jeux avaient la curieuse idée d’aller se disputer à l’autre bout du monde, dans des pays séparés de nous par d’invraisemblables décalages horaires, il était bien difficile de vivre les compétitions en direct, voire de connaître les résultats rapidement. Voilà qu’après s’être déroulés à Melbourne, en 56 (ah, la victoire de Mimoun, au Marathon !), d’être revenus à de plus sages pratiques en 60 à Rome (mais les pires Jeux de l’Histoire pour la délégation française : 5 médailles et aucune en Or – la guerre d’Algérie et le contingent mobilisé se faisaient sentir), voilà donc l’incongruité tokyoïte.
L’horreur ! 8 heures de décalage ! J’ai suivi à l’aurore le 5000 mètres scélérat où l’immense Michel Jazy, sous la pluie battante, démarra à 350 mètres de l’arrivée (au lieu d’attendre le dernier virage, où il eût été irrésistible), fut rattrapé par les félons Schul et Norpoth et perdit dans les derniers mètres la médaille de bronze au profit de ce salopard de Dellinger ! J’ai souffert aux mêmes aubes de voir la vaillante Maryvonne Dupureur n’arracher que la médaille d’argent, dépassée par la Goddone Ann Packer ! J’ai frémi d’indignation en entendant conter comment Jean-Claude Magnan, fleurettiste ailé (et champion du monde en 63 et 65) fut battu d’une touche inversée au profit de cette canaille de Franke, un Polonais venu d’on ne sait où (et qui y retourna). J’ai respiré quand Pierre Jonquères d’Oriola, après son titre de 1952, gagna une seconde médaille d’or au jumping…
Quel rapport avec le cinéma ? Mais Tokyo Olympiades, justement ! Pour la première fois, avec un dispositif technique ébouriffant de qualité, les Japonais réalisaient un film sur les efforts des champions du monde entier : les caméras étaient partout, les ralentis, les plans multiples donnaient à l’événement une couleur et une splendeur rares et permettaient de voir des athlètes que la télévision balbutiante ne faisait découvrir que chichement.
C’est devant Tokyo Olympiades, dans une vraie salle de cinéma et sur un immense écran que je me suis définitivement persuadé que Bob Hayes est le plus grand sprinter de l’Histoire (quoique, aujourd’hui, il est vrai, Usain Boit…). Rien que pour ça, ça valait la peine…
L’Équipe, au moment des Jeux de Pékin avait, en supplément d’un magazine, projeté d’éditer le DVD de Tokyo Olympiades ; ça ne s’est finalement pas fait ; mais, à part de vieux fous comme moi, qui s’en souvient encore ?