Tourbillon de Paris

Ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine !

Contrairement à ce qu’indique la jaquette du Dvd, le film n’est pas sorti en décembre 1941, mais en décembre 1939, ce qui n’aurait en soi aucune espèce d’importance si la période n’était pas particulièrement sensible, historiquement parlant. En 1939, trois mois pleins après la déclaration de guerre, il n’y a rien d’innocent à faire déferler sur l’écran l’allégresse et l’insouciance de Tourbillon de Paris. Est-ce que la volonté de se boucher les yeux devant le péril est consciente ? Ou, plus probablement, est-ce qu’à la veille des catastrophes, la gaîté, la joie de vivre, les amourettes perpétuellement menacées et finalement triomphantes prennent toujours le pas sur la touffeur des angoisses ? Ou un peu des deux, sans doute, le souhait de montrer aux populations des belles provinces que nos braves petits gars de France savent triompher de toutes les adversités avec le sourire et le sens de la débrouille, exemple renouvelé de qualités bien de chez nous !

Je n’ai pas vu Feux de joie de Jacques Houssin, qui date de l’année précédente, avec le même orchestre de Ray Ventura et qui doit être de la même eau que Tourbillon de Paris, c’est-à-dire un scénario minimal, prétexte à de nombreuses et agréables interventions de l’orchestre swinguant qui permettaient de montrer aux spectateurs des salles obscures la bonne bouille des interprètes qu’ils appréciaient à la radio.

Quand j’écris scénario minimal, c’est un peu injuste… Certes ça n’a pas l’inventivité de Nous irons à Paris de Jean Boyer, tourné en 1950 avec la même structure et plusieurs des mêmes instrumentistes ; mais quand on connaît le niveau abyssal de nullité de plusieurs des nanards français d’avant-guerre, et malgré les invraisemblances, raccourcis, malentendus vaseux et coups de théâtre bêtas, ça ne passe pas mal.

Les jeunes gens d’un pensionnat (en fait les membres de l’orchestre), censés jouer de la musique en amateurs pour animer le café-concert de Ray Ventura doivent se rendre à Paris pour passer des examens. Le pensionnat est dirigé nominalement par le timide Charbonnier (Charpin), qui n’a aucune autorité sur les sacripants, au contraire de sa femme (Marguerite Pierry), véritable dragon charismatique. Coco (Grégoire Aslan) fils boulimique de la cuisinière de l’institution est le copain de tout le monde.

Se noue entre la fille Charbonnier, Marie-Claude (Mona Goya) et un des garçons, Jimmy (Jimmy Gaillard) une idylle, mais, par suite d’un quiproquo, c’est avec Paul (Paul Misraki, le compositeur réel des succès de l’orchestre de Ventura) que la jeune fille se trouve fiancée.

Intervient là-dessus une troupe lyrique avec la jolie Mony (Ludmilla Pitoëff) et le calamiteux ténorino André Dassary (ultérieurement interprète vedette de Maréchal, nous voilà, à la gloire de qui on devine), troupe dont la représentation est perturbée de façon branquignolesque par les collégiens. À la représentation perturbée a assisté Rosalès, impresario gluant et sympathique, interprété par le délicieux Jean Tissier.

Je passe la recension exhaustive des péripéties qui conduisent l’orchestre au succès et à la gloire, Marie-Claire à filer le parfait amour avec Jimmy et Mony avec Paul, M. Charbonnier reprendre le port de la culotte dans son couple, autrement dit à ce que tout se passe pour le mieux. (Je suis conscient de n’être pas parfaitement clair dans mon récit, mais est-ce que c’est important ?).

Je passe sur l’histoire, mais j’insiste sur le charme des numéros chantés. C’est dans Tourbillon de Paris que l’on entend (et voit l’interprétation) du célébrissime Tiens, tiens, tiens, des charmants Sur deux notes et Je ne sais pas si je l’aime. Outre les acteurs cités, on voit les chers visages de Jeanne Fusier-Gir, de Milly Mathis, de Marcel Vallée, de Sinoël.

Ça ne vaut pas grand chose, mais c’est tout à fait charmant. Si on aime le genre, bien sûr, ce qui n’est pas donné à tout le monde.

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