Une nouvelle amie

Passe-moi le mascara !

Le cinéphage qui a déjà un peu de bouteille et quelques années de route ne peut qu’être surpris de découvrir une nouvelle catégorie de films, dont il ne croyait pas l’existence possible. Et puis voilà que surgit sous ses yeux effarés un film qui est à la fois particulièrement malsain et particulièrement ridicule. Au demeurant il n’a rien contre la première spécificité, y attachant même souvent de l’intérêt ; quant au ridicule, il en a tellement vu et en verra tellement que la chose glisse sous ses paupières comme l’eau sur les plumes d’un canard.

Je dois ajouter, puisque c’est évidemment de moi qu’il s’agit, que je n’ai rien, vraiment rien contre le cinéma de François Ozon ; il tourne beaucoup, sans doute un peu trop, un film par an en moyenne mais il a du talent et de l’ambition et j’ai apprécié beaucoup Sous le sable, 8 femmes, Swimming pool, Dans la maison, Jeune et jolie. Que le réalisateur ait un goût trouble pour les questions de sexualité, ou plutôt d’identité sexuelle, qu’il aime se faufiler dans les marges ne lui ôte pas ses aptitudes à retenir le regard du spectateur et quelquefois à le faire s’interroger.

Cela écrit, j’avais eu le nez un peu retroussé par un de ses premiers longs métrages, Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, d’après une pièce de théâtre de Rainer Werner Fassbinder qui était tout de même assez gênante. Je savais donc à quoi je m’attendais en regardant Une nouvelle amie qui met en scène l’histoire à la fois vénéneuse et farfelue entre Claire (Anaïs Demoustier) et David (Romain Duris), Claire est mariée, en apparence heureusement, avec Gilles (Raphaël Personnaz). David, qui fut le mari de Laura (Isild Le Besco), amie passionnément chérie par Claire, qui vient de mourir. David, qui fut David… et qui va devenir de plus en plus Virginia : non pas une transsexuelle, mais un homme qui a l’étrange manie de se travestir en femme.

Le début du film est d’une maladresse insigne. D’abord, pendant dix bonnes minutes, l’évocation de l’amitié entre Claire et Laura, toutes gamines, puis petites filles, puis grandes filles puis adolescentes (et se liant par un pacte de sang à coup de canif dans la paume des mains !!!), puis mariées, etc. Et , boum-boum tralala, Claire, après la mort de Laura qui, fortuitement pénètre dans la maison de son amie et découvre David, le veuf, costumé en femme, qui donne le biberon à Lucie, la fille du couple. Alors comme ça, il paraît que Laura était au courant des goûts singuliers de son mari, qui ne mettaient pas en cause la solidité de leur couple et tagada tsoin-tsoin.

La réalité étant toujours plus forte que la fiction, je veux bien passer là-dessus. La manie du travestissement me paraît plus bénigne en fin de compte que certaines autres bizarreries plutôt dégradantes. Mais le plus stupéfiant, c’est que la gentille Claire, loin de trouver farfelue la manie du veuf en paraît fascinée et, au fil des jours en est séduite. Il n’est pas nécessaire de conter les péripéties minimalistes du film qui aboutissent toutefois à une scène finale absolument scandaleuse : celle où dix ans après, Claire et David/Virginia vont chercher à l’école la petite fille qui a l’air de trouver très bien que son papa/maman ait du poil au menton.

Parce qu’il faut tout de même considérer le ridicule de la chose ; déjà que Romain Duris n’est guère gâté par la nature en homme ; en femme, il dépasse la norme de l’hilarant et du moche. Ozon peut bien, si la chose lui paraît importante, réaliser un film sensible et fin sur ces incertitudes de l’identité qui sont certainement douloureuses. Mais infliger un gloubi-glouba si grotesque sur un sujet si délicat, ce n’est certainement pas rendre service aux malheureux qui doivent subir ces difficultés.

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