V pour vendetta

Le riche a la vengeance et le pauvre a la mort.” (d’Aubigné)

Je suppose que les spectateurs du film qui sont également férus de bandes dessinées pourront faire d’utiles comparaisons avec l’œuvre originale de David Lloyd et d’Alan Moore adaptée au cinéma par les frères Wachowski (paraît-il devenus, depuis quelques années, sœurs ; ne vit-on pas une époque formidable ?). Pour moi qui n’ai pas pratiqué le Huitième art depuis Tintin ou Blake et Mortimer, je ne me risquerai évidemment pas à cet exercice. Je note toutefois que, d’après Wikipédia, les auteurs de l’album n’ont pas tellement apprécié, retardant de plusieurs mois la sortie sur les écrans de V pour vendetta ; cela parce que le film avait atténué le caractère anarchiste de la BD.

Évidemment, présentée comme il l’est, le récit ne peut que susciter l’aversion pour le régime nazifiant totalitaire qui est aux commandes dans une Grande-Bretagne seule rescapée d’un monde anéanti par une apocalypse nucléaire. Et parallèlement la sympathie pour le presque invincible vengeur masqué qui a entrepris de supprimer ses propres bourreaux mais aussi de mettre à bas la dictature. Tout cela va se révéler peu à peu, au cours d’une histoire complexe et plutôt bien menée.

On passe sur les invraisemblances, les ellipses, les tours de passe-passe de la narration et on accepte plutôt bien les tics de la réalisation moderne, les images envoyées dans la figure, la brutalité des effets spéciaux et tout le tremblement. Le film est très coloré et a la qualité de montrer parallèlement deux intrigues : les aventures du vengeur et en séquences intermédiaires, sa recherche, sa traque par l’Inspecteur de police Éric Finch (Stephen Rea). Et puis Natalie Portman, qui interprète Evey Hammond, protégée, puis amoureuse du justicier, est bien jolie.

Il est assez curieux que les auteurs de la bande dessinée aient choisi, pour représenter leur héros – qui se fait appeler V – comme vengeance – (Hugo Weaving), un masque de comédie représentant Guy Fawkes, chef de file de la Conspiration des poudres qui, en 1605, avait pour projet de détrôner le roi anglican Jacques Ier pour restaurer le catholicisme pourchassé depuis Henry VIII. Ce qui est curieux aussi c’est que les rebelles opposés à l’autorité de nombreux pays aient choisi ce masque baptisé Anonymous pour mener leurs combats (qu’ils soient légitimes ou non).

Donc l’intrépide V qui – on l’apprendra plus tard – est devenu à la suite d’expériences génétiques épouvantables à la Mengele, une sorte de surhomme a entrepris un combat solitaire contre le dictateur, le Chancelier Adam Sutler (John Hurt) et ses séides. Pour parvenir à ses fins, il ne mégote pas sur la violence : on est même un peu surpris qu’un héros normalement si positif débite en morceaux, tranche, morcelle les malheureux policiers qui se dressent sur son chemin ; on comprend assez qu’il assassine avec sang-froid ses bourreaux de jadis, qu’il a connus dans le camp abominable de Larkhill, moins les troupiers de base…

Tout se termine, il va de soi, par la victoire du Bien – avec un grand B – sur le Mal – avec un grand M -. Notons toutefois que V, dans le dernier assaut qu’il a remporté, a été blessé à mort et qu’il n’a que le temps de mourir dans les bras d’Evey, après lui avoir avoué son amour.La dictature a littéralement sauté et la marée déferlante, quoique pacifique, du peuple libéré a envahi la rue, triomphante, presque émerveillée de son succès.

Ce qui serait drôle, c’est de voir ce que deviendra cette liberté dans les années suivantes. L’histoire du monde n’est pas très optimiste sur ce point.

 

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