Ariel

Grise Baltique.

Qu’est-ce que je connaissais de la Finlande avant d’avoir regardé le film d’Aki Kaurismäki ? Que, sous la conduite du général Mannerheim, le pays avait longuement et courageusement résisté à l’Armée rouge entre décembre 1939 et mars 1940, que la langue finnoise n’est nullement scandinave mais bien plus proche de la langue hongroise, et que le pays avait suscité des générations et des générations de grands athlètes en fond (Paavo Nurmi, Ville Ritola, Lasse Viren) et au lancer du javelot (Jonni Myyrä, Matti Järvinen, Pauli Nevala, etc.). Ah, aussi que c’était un des membres de l‘Union européenne (mais il y en a tant et on se demande ce qu’on a de commun avec beaucoup d’entre eux…).

Qu’est-ce que je connais de la Finlande après avoir vu Ariel ? Guère davantage. La confirmation que c’est très à l’Est, très au Nord, qu’en hiver le soleil (lorsqu’on le devine) est bas sur l’horizon, la neige abondante, les gens chaudement vêtus, qu’on y fume énormément et y boit tout autant, que les rues d’Helsinki sont vastes et moches, qu’il ne semble pas qu’il s’y dresse un monument de quelque importance ou intérêt et que les courageux qui, à l’été, se baignent dans la triste Baltique ont bien du mérite.

Cela écrit, Ariel ne manque pas d’intérêt, peut-être du fait même de la pesanteur lourde et de la mélancolie absolue qui sourd de toutes ses images. Et ça commence de façon suffisamment brutale pour bien fixer le propos. La mine où travaillaient Taisto Kasurinen (Turo Pajala) et son père vient de fermer. Le père ne voit plus d’avenir possible, ni même de présent et, après avoir légué à son fils le seul bien à quoi il tient, une invraisemblable immense Cadillac blanche décapotable, part se suicider dans les toilettes. C’est assez sordide, mais ça ne paraît pas émouvoir plus que ça Taisto ; on se dit qu’il est déjà bien habitué, sans doute, aux rigueurs et aux désespérances de la vie d’un chômeur finlandais.

Il roule vers le Sud (car il y a un Sud en Finlande : c’est Helsinki !) ; en chemin (ou dans la banlieue de la Capitale : j’ai mal perçu), il est détroussé de toutes les économies qu’il venait de retirer à la banque par deux voyous. Que faire ? Sur le port, au milieu d’un groupe de pauvres gens miséreux, il se fait embaucher pour un emploi très provisoire mais éreintant de manutentionnaire. Kaurismäki filme ceci avec un réel talent et fait bien saisir le ciel bas, la mer grisaillante, les entrepôts qui doivent sentir le mazout ou la viande avariée. Et le foyer pour sans-abri plutôt propre mais triste comme un temple luthérien.

Les belles bagnoles ont toujours retenu l’attention des filles. Et c’est grâce à sa Cadillac (mais à sa belle allure aussi) que Taisto rencontre Irmeli Pihlaja (Susanna Haavisto), mère divorcée de Riku (Eetu Hilkamo) – une dizaine d’années – et vit en multipliant les boulots les plus astreignants (abattoir industriel, par exemple). Et d’emblée on voit que la rencontre est solide.

Cela malgré la difficulté de la situation de Taisto, qui continue, sans en trouver, à chercher du boulot ; belles images d’une tréfilerie graisseuse où l’on fabrique de lourds câbles métalliques. N’empêche que c’est la dèche noire, qui va jusqu’à récupérer les mégots. Jusqu’au moment où, tout à fait par hasard, Taisto rencontre un des voyous qui lui ont volé ses économies ; bagarre ; suite de malheureux hasards : toujours est-il qu’il est condamné à un an de prison.

Et là, le film bascule dans un autre genre ; Taisto est incarcéré dans la cellule déjà occupée par Mikkonen (Matti Pellonpää), qui purge une peine beaucoup plus longue pour assassinat. Les deux hommes sympathisent. Évasion. Je ne raconte pas la fin.

Il y a des séquences un peu languissantes vers les deux tiers du film, après l’incarcération, mais d’une façon générale, on ne s’ennuie pas et le récit est d’une grande cohérence, quoiqu’on puisse penser que les péripéties finales sont un peu trop aventureuses, à la limite du mélodrame. En tout cas, ça ne donne aucune envie d’aller découvrir Helsinki, ce qui est déjà une bonne chose.

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