Boy meets girl

Suffisant.

Diable ! Voilà que je suis le premier et donc le seul, à déposer un avis sur le cinéma de Leos Carax sur notre site ! Un réalisateur qui bénéficie pourtant d’une réelle notoriété médiatique – en tout cas dans le milieu des cinéphiles – et qui, s’il se ramasse des bides publics, n’en continue pas moins à trouver des financements pour ses films et à jouir de la bienveillance des professionnels de la profession (comme a dit jadis Jean-Luc Godard, qui dispose des mêmes prérogatives, indulgences et avantages). Vous aurez beau faire et bien penser, le cinéma d’auteur continuera à bénéficier d’un puissant courant affectif et à récolter les millions de notre bienveillant système de financement.


Je n’ai rien contre, d’ailleurs. Les grosses bouses nauséabondes où s’étalent les Omar Sy, Jean DujardinDany Boon, Franck Dubosc peuvent bien, grâce à ce système, irriguer des films plus intimistes et moins voués au succès des multiplexes. Pecunia non olet (c’est-à-dire L’argent n’a pas d’odeur) disait déjà notre vieux camarade Vespasien qui savait ce qu’il faisait en installant les édicules qui lui ont valu l’immortalité.

Seulement, lorsque cet argent vient au secours d’un cinéaste qui se la joue, (qui se la pête diraient les d’jeuns) et qui se croit vraiment habité par le talent et pond un film interminable (de moins de deux heures, mais j’ai déjà dit cent fois que la durée n’a rien à voir avec l’impression de la durée), un film verbeux, ennuyeux, répétitif et grave, ça ne va plus du tout.

Que M. Léos Carax (qui s’appelle en réalité Alex Dupont, ce qui est beaucoup moins chic) veuille enregistrer, dans son premier film, les prémisses de son autobiographie est également bien admissible : la quasi totalité des premiers romans est faite d’une part majeure de soi-même ; on va d’abord chercher des idées dans ce que l’on connaît le mieux. Donc Carax expose assez une certaine complaisance la vie quotidienne et les préoccupations amoureuses, intellectuelles, philosophiques d’un jeune homme qui vit une vie à peine heurtée. Une vie faite de rencontres incongrues, d’exaltations sentimentales, de préoccupations majuscules, de soirées miraculeuses, de graves interrogations sur lui-même, sur les autres, sur l’existence et sur à peu près tout. Je suppose que nous avons tous à peu près connu ça, à un moment divers de notre jeunesse. Et cela même si nous n’avons pas tous dérobé chez un commerçant des disques de Barbara pour nous faire un peu plus d’argent de poche.

Je serais bien incapable, serait-ce la tête sur le billot, de raconter le film. Le héros, Alex qui présente la gueule cabossée de Denis Lavant, acteur fétiche de Carax, cherche bien des choses et notamment lui-même dans un pathos qui fait sourire tant il se prend au sérieux. Il prétend – se prétend – amoureux d’une jeune fille, Mireille (Mireille Périer), ravissante, mais à peu près aussi cinglée que lui. Il a quitté Florence (Anna Baldaccini), elle a quitté Bernard, on ne sait pas très bien pourquoi, ni comment.

Lors d’une réception bizarre chez Helen (Carroll Brooks), sorte de Madame Claude (si j’ai bien compris), Alex et Mireille se rencontrent et s’aiment ; devraient s’aimer, plutôt, car les choses les plus simples ne sont pas de leur fait. On s’ennuie copieusement, on cherche les pilotis à quoi s’accrocher ; on ne trouve rien.

Cinéma du creux, du vide, des ombres qui passent, des conversations inaudibles dans des encoignures. On se croirait dans L’année dernière à Marienbad, en pire (c’est-à-dire sans la beauté de Marienbad) ; les acteurs balbutient des formules, s’écoutent parler, se sentent investis d’une sorte de mission éclatante.

Allez, quelques belles images de nuits parisiennes : Carax et son chef opérateur savent faire ; mais les tics de filmage sont systématiques et fatigants : gros plans, angles sophistiqués, natures mortes, ellipses continuelles en noir. Un cinéma de cinéphile, abreuvé, nourri d’une trop longue fréquentation des cinémathèques et autres institutions normatives.

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