Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Le joli Mai

lundi, mai 14th, 2018

Paris nous appartient

On sait que Chris Marker est un cinéaste issu d’un milieu très bourgeois, qui a fait ses premières armes littéraires dans l’adulation pétainiste puis, au fil des temps et des modes (et de la puissance des camarillas) a glissé vers la gauche, puis l’extrême-gauche, par le biais du catholicisme social, du personnalisme, de l’éducation populaire et du tiers-mondisme. Il est l’auteur d’un des films ( un film ?) les plus atterrants qu’on puisse regarder, La jetée, qui bénéficie néanmoins d’une sorte de respectueuse aura de la part de braves gens qui n’imaginent pas qu’on puisse penser le pire d’un film prétendu expérimental. Il a aussi réalisé Le fond de l’air est rouge, sorte de compendium de toutes les billevesées et coquecigrues que les révolutionnaires germanopratins proposaient à l’envi à l’époque où la Gauche de gouvernement n’avait pas encore expérimenté son impuissance devant le rouleau-compresseur de la finance anonyme et vagabonde. (suite…)

Les compagnes de la nuit

samedi, mai 12th, 2018

La mort qui fait le trottoir.

Le titre de cet avis, que j’emprunte à Montherlant, n’est pas vraiment adapté à ce petit film de samedi soir, qui se termine trop heureusement bien pour être honnête : il a une tonalité bien trop tragique, glaçante et désespérée, alors que Ralph Habib a réalisé un bien intéressant récit de nature presque ethnologique sur la prostitution parisienne en 1953. Ce n’est pas la fermeture des maisons de tolérance, le 13 avril 1946, à la suite de la loi impulsée par la douteuse Marthe Richard qui a fait disparaître ce qu’on a toujours appelé le plus vieux métier du monde et on voit mal comment les hystériques ligues de vertu féministes pourraient y parvenir aujourd’hui, fût-ce en pénalisant le client. Les deux doux crétins Franck Kellog (États-Unis) et Aristide Briand avaient, en 1929, prétendu mettre la guerre hors la loi ; on a vu ce qui est arrivé dix ans plus tard. La folle envie de modifier la nature humaine amène tous les gogos à suivre des mots d’ordre grotesques. (suite…)

Les désaxés

vendredi, mai 11th, 2018

Pâle étoile du soir, messagère lointaine…

J’aime John HustonClark GableMontgomery Clift et il faudrait être aveugle pour ne pas tenir Marilyn Monroe pour une superbe fille, même si ses talents d’actrice n’étaient pas, si j’ose dire, à la hauteur de sa chute de reins (image hardie !). Je n’ai jamais lu une ligne d’Arthur Miller,mais certains le tiennent pour un auteur important, ce que je veux bien croire. Et une histoire de paumés crépusculaires n’a rien pour me déplaire, bien loin de là ; à dire vrai tout esprit romanesque ne peut qu’avoir de la tendresse pour les vaincus du monde : Patagons fuyant au bout du cap Horn les peuplades amérindiennes, Croisés de l’Empire latin de Jérusalem, Byzantins trahis lors de la chute de Constantinople, Vendéens noyés dans la Loire, Sudistes brûlés dans l’incendie d’Atlanta, Russes blancs des armées de Denikine et de Koltchak abandonnés par l’Occident… Il y a, chez les gens qui ne tombent pas du bon côté de l’Histoire quelque chose qui m’émeut… (suite…)

Une place au soleil

jeudi, mai 10th, 2018

Sur un toit brûlant.

Bien sûr, c’est un mélodrame cruel, avec toutes les ficelles et chevilles du mélodrame et on aperçoit d’assez loin l’irruption des péripéties et des catastrophes, tellement on les devine inévitables. Le récit, qui a le bon goût de se terminer fort mal, se déroule sans apporter de surprises ni même de coups de théâtre et on assiste dans un parfait confort intellectuel, toujours bien rassurant. Et comme c’est très habilement monté, que la réalisation de George Stevens est impeccable et les acteurs excellents, on assiste à un film tout à fait prenant. Un succès qui, au demeurant, fut couronné de 5 Oscars, ce qui ne m’impressionne pas beaucoup mais n’est pas tout à fait négligeable.

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Sacrée jeunesse

mercredi, mai 9th, 2018

Fugitive du camp des vainqueurs…

Voilà un gentil petit film, insignifiant comme une brise d’été et charmant comme elle. Un film issu d’une pièce de théâtre de boulevard et plein de ses gentillesses et facilités. une histoire qui devait bien marcher entre cour et jardin lorsqu’on la mettait en scène pour la plus grande satisfaction des braves gens de l’immédiate après guerre. Une histoire de brave type plutôt fatigué qui, par la grâce d’un traitement presque miraculeux administré par un démiurge helvète, le docteur Koranoff (Mischa Auer, qu’on ne voit malheureusement pas assez) redevient un gandin très passable et dont la verdeur va entraîner quelques situations scabreuses. (suite…)

Mademoiselle Vendredi

dimanche, mai 6th, 2018

Si je n’étais Français, je n’aimerais être qu’Italien.

C’est curieux comme Vittorio De Sica est si rarement évoqué comme un des très grands noms du cinéma mondial, comme il ne vient pas spontanément à l’esprit de beaucoup d’amateurs. Et ceci alors même qu’il a été plutôt béni de la renommée : comme réalisateur, quatre Oscars du meilleur film étranger à Hollywood (la chose doit être unique, ou exceptionnelle) pour SciusciaLe voleur de bicycletteHier, aujourd’hui et demainLe jardin des Finzi Contini), un Grand prix à Cannes pour Miracle à Milan, un Ours d’or à Berlin pour Le jardin des Finzi-Contini. Et au moins encore deux œuvres admirables : Umberto D. et La Ciociara. Et comme acteur, si on peut le voir dans des trucs aussi charmants que la série des Pain, amour (Comencini), Dites 33 (Mastrocinque), Le signe de Vénus (Risi), on lui doit les interprétations admirables de Madame de… de Max Ophuls et du Général della Rovere de Roberto Rossellini.

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Orgueil et préjugés

jeudi, mai 3rd, 2018

Gigot à la menthe.

Est-ce parce que je suis en ce moment plongé avec délice dans le deuxième tome en Pléiade des Œuvres romanesques complètes de Jane Austen (Mansfielsd Park, Emma, Persuasion) que j’ai pris tant de plaisir à retrouver le ton si particulier, fait de distance policée et d’humour calme de la grande romancière anglaise, en regardant Orgueil et préjugés, une des adaptations les plus récentes d’un de ses livres les plus connus et les plus réussis ? C’est bien possible, mais je crois aussi que la pieuse façon de présenter à l’écran les pratiques et les façons d’être de cette société courtoise, affable, corsetée, contraignante – c’est-à-dire civilisée – mérite beaucoup d’admiration tant elle reproduit, sans s’en moquer, moins encore en paraissant les mépriser, des usages qui pourront paraître aux sauvageons d’aujourd’hui plus éloignés que ne le seraient les pratiques de Cromagnon si on les restituait ; et qui, de fait, en sont bien davantage abyssalement lointaines. (suite…)

Ratatouille

mercredi, mai 2nd, 2018

Hommage du Vice à la Vertu.

Je ne peux pas dire que, regardant le film aux côtés de ma petite-fille, qui aura bientôt 6 ans et demi, je n’ai pas un peu somnolé, conduit au sommeil par un trop bon dîner opportunément arrosé et conclu par un cognac de qualité. Le dessin animé, ce n’est tout de même plus trop de mon âge et si je puis encore m’émerveiller aux grands chefs-d’œuvre conçus par Walt Disney c’est bien davantage en me remémorant mes joies d’enfant qu’en m’enthousiasmant pour l’inventivité des péripéties et la qualité technique de l’animation. Il n’y a lieu ni de se réjouir de cette maturité (qu’on peut appeler aussi gâtisme), ni la déplorer ; après tout, il y a bien des décennies que je ne m’amuse plus à faire des coloriages et à jouer au ballon prisonnier et, pour encore un moment, j’espère, je ne retombe en enfance que lorsque ma grande petite-fille vient se coller dans mes bras pour me demander de regarder avec elle un film qu’elle aime… Comment un être normal pourrait-il résister à son sourire ? (suite…)

Le Roi et l’oiseau

lundi, avril 30th, 2018

Irréalisme poétique.

Pour avoir vu avant ma dixième année La bergère et le ramoneur et en être resté durablement fasciné, je me faisais une joie de regarder Le Roi et l’oiseau qui est son accomplissement. Ah ! Il faut que je dise que le premier titre est une sorte de base tronquée du second, diffusée par le producteur André Sarrut contre l’avis formel des auteurs, Paul Grimault et Jacques Prévert. Ce désaveu n’empêcha d’ailleurs pas le film initial de remporter une kyrielle de récompenses internationales, notamment à la Biennale de Venise. Mais donc, plusieurs années après la présentation de ce qu’il jugeait être une ébauche, à tout le moins une œuvre imparfaite et inachevée, Paul Grimault, réussit, en 1967, à racheter les droits de son film et, avec l’aide de Prévert, (jusqu’à sa mort en 1977) à le restaurer ou, mieux, à le reconstituer, beaucoup de négatifs ayant été perdus ou abîmés. (suite…)

La journée de la jupe

lundi, avril 23rd, 2018

Le drapeau noir flotte sur la marmite.

Il y a tout de même une sorte d’énigme Isabelle Adjani. On peut se souvenir qu’elle fut jadis une actrice de qualité, qui a presque complétement disparu de notre imaginaire et qui désormais, je suppose, doit se contenter des pages people des journaux pour se survivre. On ne peut pourtant pas dire qu’elle ait été boudée par les producteurs ou seulement confinée dans le rôle de belle fille au corps parfait qu’elle exhibait dans L’été meurtrier de Jean Becker qui lui assurera encore pour longtemps de la notoriété. Elle a été davantage et j’ai comme tout le monde apprécié son jeu aussi bien dans La gifle de Claude Pinoteau où elle était la copie en un peu plus âgé de la Sophie Marceau de La boum. Mais elle était aussi inquiétante et chlorotique dans le Nosferatu de Werner Herzog, crispante et exaltée dans Tout feu tout flamme et surtout absolument vide et tueuse dans Mortelle randonnée. (suite…)