Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Sans toit ni loi

samedi, mars 31st, 2018

Finalement, et pour toujours…

Je sais bien que Sans toit ni loi est une des œuvres les plus bouleversantes qui se puisse sur l’errance et la solitude. La grande force d’Agnès Varda, c’est que là, bien loin des héroïnes de Cléo de 5 à 7 ou du Bonheur, il n’y a aucune sympathie possible pour Mona (et naturellement, je n’évoque pas Les glaneurs et la glaneuse où l’empathie est manifeste). (suite…)

L’enfer

vendredi, mars 30th, 2018

« Jalousie, inquiet besoin de tyrannie » (Marcel Proust)

Ma note serait certainement meilleure si le dernier quart d’heure du film n’était venu l’affadir ; on me dira avec une certaine pertinence qu’il y a une logique des événements et que le propre de la folie obsessionnelle est d’aller jusqu’au bout des conséquences. C’est possible ; n’empêche que je ne suis pas vraiment satisfait des dernières séquences où Paul, le mari jaloux (François Cluzet), dans une sorte de cauchemar éveillé, manie le rasoir sur Nelly, sa femme (Emmanuelle Béart), la zigouille sans doute (on peut interpréter la chose différemment néanmoins) et se penche à la fenêtre pour peut-être se suicider (même observation). Coupe. Noir. Sur les images heureuses de l’auberge, avant le générique terminal, un carton « Sans fin« .

(suite…)

Le passager de la pluie

jeudi, mars 29th, 2018

affiche_passager_de_la_pluie_1969_1

Pleurs de femme et pluie d’été ne durent pas longtemps

Je célèbre le début du film, ces images déprimantes de la côte varoise sous le ciel uniformément gris, sous la pluie drue et les quelques séquences qui suivent immédiatement ; il est vrai que rien n’est plus triste que ce paysage fait pour le soleil qui subit le crachin qu’on réserverait volontiers aux terres océanes et qu’il n’y a rien de plus désolant que de considérer ainsi agaves et pins parasols. C’est donc une très bonne entrée en matière : on ne sait pas trop à quel moment de l’année on se situe, sans doute au début d’un printemps pourri ; il n’y a pas l’ombre d’un touriste égaré et les bourgades faites pour les visiteurs de l’été sonnent creux sous le rythme agaçant de l’ondée.

(suite…)

Signes

mercredi, mars 28th, 2018

La Terre vue du ciel.

Signes est un tout petit film de science-fiction de série B (ou C, ou D, ou tout ce que vous voulez) où deux frères un peu torturés par les méchancetés de la vie, clôturés au fin fond d’une ferme ennuyeuse de Pennsylvanie, reçoivent la visite d’extra-terrestres (qui, si j’ai bien compris, se sont également posés un peu partout dans les États-Unis). Ils commencent, en repérages, à disposer dans les champs de maïs circonvoisins des traces géométriques incongrues, prises d’abord pour des canulars de voisins facétieux (c’est à peu près comme ça que sont interprétés les agroglyphes – c’est ainsi qu’on appelle la chose – qui, depuis la fin des années 70 se sont multipliés à la grande admiration et au parallèle effarement des gogos qui veulent y voir l’action d’êtres venus des étoiles). Deux frères Hess, passablement traumatisés : le plus jeune, Merryl (Joaquin Phoenix), ancien champion de base-ball qui a beaucoup réussi et beaucoup raté de matches importants ; le plus âgé, Graham (Mel Gibson) qui fut pasteur épiscopalien et a renoncé à son apostolat après la mort dans un accident automobile de sa femme et qui demeure inconsolable et affublé de ses deux gamins, Morgan (Rory Culkin) et Bo (Abigail Breslin). (suite…)

Gasherbrum, la montagne lumineuse

dimanche, mars 25th, 2018

Conquérants de l’inutile.

Ce que filme Werner Herzog dans les trois documentaires qui ont fait l’objet d’une bonne édition DVD, ce n’est jamais le Comment ? (ça, c’est réservé aux beaux films esthétisants des chaînes spécialisées), mais toujours le Pourquoi ?. Il ne se demande pas dans La grande extase du sculpteur sur bois Steiner comment on peut, à skis, sauter aussi loin à partir d’un tremplin bizarrement incurvé mais pourquoi un type un peu taciturne et réservé décide un jour d’imiter un oiseau. Non plus, dans La Soufrière, comment un volcan caraïbe toujours en activité paresseuse va – ou non – exploser et répandre le désastre, mais pourquoi des hommes ont décidé (ou plutôt ont accepté) de demeurer sur ses pentes au péril possible de leur vie. Et pas davantage comment, dans Gasherbrum, la montagne lumineuse, comment on s’y prend pour réaliser le singulier exploit d’escalader deux sommets sauvages de l’Himalaya sans assistance et sans oxygène, mais bien pourquoi un alpiniste italien parmi les plus réputés et les plus expérimentés du monde vit dans la seule optique de réaliser des exploits inédits et de se mettre en danger de mort à chacune de ses courses. (suite…)

Justin de Marseille

samedi, mars 24th, 2018

Galéjades, œillades et fusillades.

Je n’irai pas jusqu’à dire comme Bertrand Tavernier,dans le supplément du DVD, que Justin de Marseille confine au chef-d’oeuvre, mais c’est un film drôlement intéressant et surtout très surprenant, alliant galéjades (un peu) et thriller (beaucoup) dans une sorte de juxtaposition tout à fait inédite. Je n’ai pas en tête, de fait, un film où le réalisateur passe avec autant de facilité et de fluidité d’un parcours émaillé de bons mots et de propos presque pagnolesques à une histoire de gangsters rondement menée et sacrément bien filmée, avec des plans originaux, marquants, toujours accordés à merveille au discours et à la suite de l’action. Du rythme, du souffle, de la vivacité ! On n’est guère, en 1934, qu’aux débuts du cinéma parlant, mais déjà les dialogues, la musique, la chanson même accompagnent avec beaucoup de talent et d’élégance cette histoire où s’entrecroisent guerre des gangs, évocation du Marseille d’avant-guerre et presque reportage sur le maquereautage d’une pauvre fille naïve heureusement sauvée par un Milieu qui était encore chevaleresque (à dire vrai, c’est sans doute là la faiblesse du film : comment croire à la rectitude du Milieu, qui a toujours fait son miel des gamines dont le regard s’illumine dès qu’un barbeau leur parle des étoiles ?). (suite…)

La dernière maison sur la gauche (remake)

mercredi, mars 21st, 2018

La vengeance au micro-ondes.

J’avais gardé un souvenir si détestable de La dernière maison sur la gauche dans sa version initiale de 1972, filmée par Wes Craven que je me disais que son remake, filmé en 2009 par Dennis Illiadis ne pouvait qu’être meilleur. Eh bien je n’avais pas tort et je crois même que j’ai pris un certain plaisir à regarder cette épouvantable histoire qui confronte un trio d’absolus salopards à une aimable famille d’un coin tranquille des États-Unis et se termine, après de sanglantes péripéties par l’extermination bienvenue des bandits. Ah ! Au fait on me souffle que le premier film était lui-même la rénovation de La source d’Ingmar Bergman   en 1960 ; c’est possible, mais il y a bien longtemps que j’ai cessé de fréquenter l’enquiquinant Suédois dont certains passionnés disent du bien. Tant mieux pour eux. (suite…)

Monsieur Ripois

dimanche, mars 18th, 2018

Une femme pardonne tout, excepté qu’on ne veuille pas d’elle (Musset)

Je pense depuis longtemps que le jeu de Gérard Philipe, souvent outré, théâtral, ostentatoire convenait beaucoup mieux à certains rôles qu’à d’autres. Et qu’il était d’autant meilleur qu’il interprétait un personnage minable (Une si jolie petite plageLes orgueilleux) ou méprisable (Le Rouge et le NoirPot-Bouille). C’est bien ainsi qu’il est, à la fois minable et misérable dans Monsieur Ripois adapté d’un roman de Louis Hémon, l’auteur de Maria Chapdelaine par le grand René Clément, superbe cinéaste dont, bien à tort, on ne parle plus guère aujourd’hui. (suite…)

Noël blanc

vendredi, mars 16th, 2018

Et extrêmement pâlot, même.

Autant j’avais été presque agréablement surpris par Le bouffon du Roi dans mon exhumation pieuse des souvenirs de mes jeunes années et de la (modeste) place qu’y avait prise Danny Kaye, autant je me suis désolé d’avoir cédé à cette très vieille nostalgie et d’avoir regardé cette parfaite nouillerie qu’est Noël blanc. Il est vrai pourtant que le nom révéré d’Irving Berling qui, avec Cole Porter et George Gershwin fut un de ces merveilleux mélodistes qui enchantèrent le siècle passé permettait de croire qu’à défaut de grands émois romanesques, le film dispenserait quelques très belles chansonnettes et des moments musicaux agréables. (suite…)

Le triomphe de la volonté

jeudi, mars 15th, 2018

Quel aveuglement !

Essayer de regarder sans autre parti-pris que cinématographique un film de propagande national-socialiste est forcément une gageure, lorsqu’on connaît la suite de l’histoire. Mais enfin, comme l’écrivait Jules RomainsCelui qui n’ose pas, de temps en temps, penser avec calme une chose affreuse ne sera jamais à tu et à toi avec la nature humaine. Il n’y a pas lieu de jouer les vierges effarouchées et de s’autocensurer en refusant de regarder un film artistiquement et politiquement aussi puissant en lui déniant tout mérite. (suite…)