Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Rio Grande

jeudi, décembre 7th, 2017

Papa, Maman, la Cavalerie et moi.

Je ne sais pas très bien pourquoi je m’obstine, à intervalles divers, semblable au lemming qui se suicide lors des migrations de son espèce (mais il paraît que c’est une légende ! quelle déception !), pourquoi je m’obstine à regarder des westerns étasuniens, genre cinématographique limité et répétitif qui, en tout cas, parvient à m’ennuyer presque à chaque fois. Peut-être parce que, l’enfant étant le père de l’homme comme chacun sait, j’en ai ingurgité une telle quantité durant les douze premières années de mon existence que j’en ai été gravement intoxiqué. Parce qu’il faut bien dire que dans les années qui ont suivi la Libération, un déferlement de films de ce genre a coulé dans le marbre, pour les petits Européens cet aspect de la maigriotte histoire des États-Unis, pauvrette qui n’a pas trois siècles et ne dispose que de rares mythologies, comme si c’était une épopée. (suite…)

Manchester by the sea

lundi, décembre 4th, 2017

L’écume des jours.

Le décor est exactement apparié au propos du film ; le décor, mais aussi l’atmosphère, la saison, la photographie : tout cela est de la même tonalité. Manchester by the sea est une bourgade côtière du Massachusetts de quelques milliers d’habitants, à quelques encablures de Boston, un gros village paisible partagé entre quelques villas patriciennes pour vacanciers fortunés et sévères immeubles de brique. Un ciel bas, éteint et atone ; tout cela se passe dans un hiver qu’on imagine interminable, un hiver liquide quand il n’est pas neigeux. Le genre d’endroit où on n’imagine pas qu’on puisse vivre gaiement, sauf à trouver gaies les soirées alcoolisées débordantes de bière dans les pubs enfumés et les peignées qui vont avec. (suite…)

La pensionnaire

jeudi, novembre 30th, 2017

Piccolissima serenata

Je crois bien que La pensionnaire est le premier film d’Alberto Lattuada que je regarde mais le plaisir que j’y ai pris me donne bien envie d’aller un peu patrouiller du côté de ce cinéaste pour découvrir quelques autres pépites… on dit beaucoup de bien, par exemple, d’une comédie narquoise qui s’appelle Venez donc prendre le café chez nous, avec notamment Ugo Tognazzi et Milena Vukotic que j’apprécie particulièrement, mais qui semble n’avoir pas encore été éditée en DVD. (suite…)

Trois places pour le 26

samedi, novembre 25th, 2017

Fin de partie.

Il y a quelque chose de singulier dans l’œuvre inégale, mais si attachante de Jacques Demy : deux binômes de films intervenant l’un presque au début de sa carrière, l’autre tout à fait à la fin. Et ces binômes sont construits de la même façon. À chaque fois, en premier lieu, un film entièrement chanté, de tonalité triste ou grave : Les parapluies de Cherbourg en 1964, Une chambre en ville en 1980 ; puis un film plus léger, un peu féérique, où l’intrigue est largement entrecoupée de musique et de chansons : Les demoiselles de Rochefort en 1967, Trois places pour le 26 en 1988. Bien sûr, aussi, les constantes du cinéaste : des familles où le père est absent, où les filles vivent avec leur mère ; et pour certains, l’inceste, ou sa tentation (il faut là ajouter Peau d’âne).  (suite…)

Les joyeux pèlerins

jeudi, novembre 23rd, 2017

Fantaisie sans tonalité.

Ah ! Riche permanence des nanars français à prétention musicale tournés autour d’une formation orchestrale déjà célèbre et appréciée des spectateurs ! On s’y jette avec sympathie en espérant trouver de la joie de vivre bon enfant et, plus encore, le parfum d’une France presque disparue, à base de braves garçons courageux, de jolies filles romanesques et d’un ou deux loustics chargés de faire rigoler le brave public du samedi soir par leur apparence physique ou leur agitation continuelle… L’ethnographe du cinéma populaire y conserve les délices de À nous deux, madame la vie de René Guissart en 1937 avec l’orchestre de Fred Adison, de Mademoiselle Swing de Richard Pottier en 1942 avec l’orchestre de Raymond Legrand, de Pigalle-Saint Germain-des-Près d’André Berthomieu en 1950 avec l’orchestre de Jacques Hélian, du chef-d’œuvre du genre, Nous irons à Paris et de son petit frère Nous irons à Monte-Carlo l’un et l’autre de Jean Boyer en 1950 et 1952 avec l’orchestre de Ray Ventura… Voilà un simple échantillon. (suite…)

C’est arrivé près de chez vous

mardi, novembre 21st, 2017

« Avec un ciel si bas qu’il faut lui pardonner… »

Est-ce qu’il est tellement étonnant que Rémy Belvaux, principal auteur et réalisateur de C’est arrivé près de chez vous se soit suicidé en 2006, à l’âge de 39 ans en se jetant sous un train ? Est-ce qu’il est tellement étonnant que ce film vienne de Belgique, un des pays majeurs de l’étrangeté, si loin, si proche de la France ? Est-ce qu’il est tellement étonnant que le Plat pays ait donné au monde de grands artistes singuliers, inquiets, souvent inquiétants, toujours décalés ? Georges Rodenbach (auteur de Bruges-la-Morte), Michel de GhelderodeJean Ray en littérature, René Magritte, Paul Delvaux en peinture, André DelvauxHarry Kümel au cinéma… ou même Jacques Brel… Le ciel gris, la mer grise, le vent, les canaux, tout cela perpétuellement vécu met tellement de fantastique dans l’existence… (suite…)

Rire et châtiment

lundi, novembre 20th, 2017

Seul en piste.

Rire et châtiment ne vaut guère que par la prestation assez bluffante de José Garcia et par quelques miettes, notamment la prestation totalement hors sujet mais, à mes yeux, irrésistible, de Benoît Poelvoorde en moniteur de secourisme homosexuel. Tout le reste est du gloubi-glouba qui n’est étayé sur rien. Il faut savoir qu’Isabelle Doval, la réalisatrice du film, qui interprète Camille, l’épouse de l’ostéopathe Vincent, est effectivement dans la vie réelle la femme de José Garcia.

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The Vampire lovers

dimanche, novembre 19th, 2017

À quoi rêvent les jeunes filles ?

Comment mieux lutter contre l’essoufflement d’un personnage sur quoi on a bâti une fortune depuis Le cauchemar de 1958 sinon en allant dans une direction parente mais différente ? Le Dracula de Bram Stoker ayant fait son temps et, à tout le moins, presque épuisé l’inventivité des scénaristes de la Hammer, autant valait rester dans la même veine (voilà un profond trait d’esprit dont je ne suis pas peu fier). On allait donc mettre au premier plan, en 1970, la Carmilla de Sheridan Le Fanu, déjà célébrée par Roger Vadim dans Et mourir de plaisir en 1960. (suite…)

Django unchained

vendredi, novembre 17th, 2017

Ôte-toi de là que je m’y mette !

Ce n’est pas – dût la chose m’étonner – parce que le scénario est souvent ridicule et qu’il est toujours invraisemblable que le film ne présente pas d’évidentes qualités ; le rythme est étonnamment soutenu, pour une durée aussi longue et au bout des trois heures, on constate qu’on ne s’est pas ennuyé, ou presque, ce qui n’est pas si fréquent que ça. Les paysages sont filmés avec beaucoup de soin, ce qui est essentiel pour un film étasunien, qui n’a pas grand chose d’autre à offrir que des montagnes spectaculaires et des champs de coton à perte de vue ; il y a, sans doute, une grande quantité de sadisme à filmer avec autant de complaisance des massacres sanguinolents, mais enfin on a vu pire (et mieux, au demeurant, chez Peckinpah, par exemple). À dire vrai, même, pour qui ne connaît guère le cinéma de Quentin Tarantino et n’imagine pas une seule seconde de le placer dans son panthéon, c’est plutôt une bonne surprise. (suite…)

La boum

mercredi, novembre 15th, 2017

« Hélas ! que j’en ai vu mourir de jeunes filles… »

Mais quel délice ! Mais quel charme ! J’ai bien sûr vu dix fois La boum, comme tout le monde, parce que le film de Claude Pinoteau est une des stars de la rediffusion télévisée et parce que retrouver, presque en copains, Denise Grey en fofolle, le couple un peu crispant Claude Brasseur et Brigitte Fossey et, surtout, la révélation de l’évidente beauté de Sophie Marceau, la musique parfaite de Vladimir Cosma, le charme merveilleux du Quartier latin et les égarements du cœur de l’adolescence, de la toute jeune adolescence, ça ne se refuse jamais. (suite…)