Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Frissons

vendredi, novembre 19th, 2021

L’orgie pour toutes les bourses.

Premier film professionnel d’un réalisateur très atypique, dérangeant, déplaisant, dégoûtant même, mais nullement insignifiant, David Cronenberg, qui montre là à la fois, déjà, ses grandes qualités et ses immenses défauts, Frissons souffre tout de même un peu d’inexpérience. Cronenberg pose d’emblée ses propres obsessions, ses codes, ses fantasmes et y entraîne un spectateur complice. Complice jusqu’à un certain point, il est vrai : trop de plans, trop de personnages dont les vaticinations ne sont pas contrôlées, trop de répétitions, trop d’évidences facilement repérées par le spectateur, trop d’images facilement répugnantes, trop de sang, trop de bave.

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Forfaiture

mercredi, novembre 17th, 2021

L’oie blanche et l’ogre jaune

Fasciné par l’adaptation qu’en avait faite Cecil B.DeMille en 1915, sur la base d’un roman de l’inconnu Hector Turnbull, un des grands cinéastes du Muet, Marcel L’Herbier, a réussi un remake très séduisant. À ce qu’il semble les adaptateurs ont pris de grandes libertés avec l’histoire originelle mais comme on ne la connaît pas, ça n’a strictement aucune importance. Il suffit de savoir que tout cela se déroule dans l’Orient compliqué, qui a fasciné des générations et des générations d’Occidentaux, grisés par un exotisme subtil, raffiné, intelligent, possiblement enluminé par de sacrées doses de cruauté et de sadisme. (suite…)

Folies parisiennes

dimanche, novembre 14th, 2021

J’ai honte !

Autant l’avouer tout de suite et avec quelque ostentation : je viens de replonger dans une de mes plus dégoûtantes passions, dans ma ridicule dépendance aux épouvantables nanards de la grande époque du cinéma français des années 50. Et qui plus est de façon volontaire et obstinée. À l’étal d’un soldeur de DVD, l’autre jour, j’ai repéré sur une pile un peu dissimulée, presque furtive, toute une collection de films invraisemblables à réalisateurs inconnus, à interprètes minuscules ou ignorés, des films qui devaient être projetés dans les lisières les plus extrêmes des arrondissements périphériques et dans les sous-préfectures les plus étriquées de nos belles provinces. (suite…)

L’énigme de Kaspar Hauser

samedi, novembre 13th, 2021

Voyage en terre inconnue.

Des milliers d’articles, des centaines de livres, des chansons, le poème de Verlaine, une demi-douzaine de films ou de téléfilms se sont penchés sur l’histoire invraisemblable et inexplicable de Kaspar Hauser, né sans doute vers 1812 et mort assassiné – ou peut-être suicidé ? – en 1833. Une singulière fulgurance en Bavière, le mystère d’une existence effroyable. Rien à voir, pourtant avec les prétendus enfants-loups, avec L’enfant sauvage qui fascinera François Truffaut. Lorsqu’il apparaît, brusquement, sans que personne ne puisse le reconnaître ou l’identifier, l’adolescent de 16 ans sait à peu près se tenir debout, écrire son nom, demeurer propre et balbutier quelque mots.

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Teddy

jeudi, novembre 11th, 2021

La règle du jeu.

Je ne suis pas très féru d’histoires de loups-garous, je l’ai dit cent fois. La fatalité qui tombe comme une enclume sur le dos d’un pauvre type qui n’y peut pas grand chose et qui l’entraîne fatalement à devenir de temps à autre une bête immonde me semble un procédé assez facile. Ou plutôt beaucoup moins séduisant que l’horreur volontairement choisie en fascination pour le Mal par des personnages pleinement conscients qu’ils fricotent avec Satan et qu’ils le rejoindront dans la géhenne infernale. Cela dit, toute orientation nouvelle sur un mythe, tout regard posé avec originalité sur une histoire dont le dénouement affreux est prévisible mais les moyens de l’atteindre inédits est intéressant. (suite…)

Les Olympiades

samedi, novembre 6th, 2021

Égarements des cœurs et des corps.

Il y avait deux raisons pour moi, d’aller voir ce drôle de film incertain. La première, bien anecdotique, c’est que nous avons vécu, en famille, huit années, de 1975 à 1983, au 22ème étage d’une des tours de cet ensemble immobilier des Olympiades, dont tous les immeubles portaient le nom d’une des cités qui avaient reçu les Jeux Olympiques. La nôtre était la tour Anvers (JO de 1920) et, hormis des appartements de fonction en province, nous n’avons jamais eu de plus agréable résidence. Notre appartement, vaste et bien composé était orienté Nord-Ouest, ce qui permettait à la fois une vue sur l’immensité et la beauté de Paris et sur des couchers de soleil somptueux ; je pensais donc que nous allions, 35 ans plus tard, revenir un peu dans un quartier très apprécié.

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Orphée

mercredi, novembre 3rd, 2021

Vanité incantatoire.

On peut penser que Jean Cocteau avait trop de talents divers pour en posséder un seul éclatant. Touche-à-tout de génie, selon ses admirateurs, il laisse, de fait, encore une trace, mais bien davantage comme celle d’un prince désinvolte qui éblouit les jeunes générations de son époque, un lanceur de modes éphémères, un poète dont on serait aujourd’hui bien en peine de citer trois strophes, un romancier oublié, un cinéaste dont on ne se rappelle que La Belle et la Bête, qui doit tout à l’originalité du conte de fées écrit par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont et au talent baroque envahissant du décorateur Christian Bérard. (suite…)

La femme et le pantin

dimanche, octobre 31st, 2021

Orgueils et préjugés.

Je tiens Julien Duvivier pour le plus grand réalisateur français,  à égalité avec Henri-Georges Clouzot et Jacques Becker ; mais il a eu une carrière assez inégale : c’est qu’il ne concevait pas de vivre sans tourner et il a tourné beaucoup. Deux ou trois films par an, ça ne lui faisait pas peur et cette boulimie l’amenait à accepter de mettre en scène des histoires qui l’indifféraient, avec des acteurs qu’il n’avait pas choisis. C’est ainsi qu’après avoir réalisé en deux ans Voici le temps des assassinsPot-BouilleL’homme à l’imperméable, films grinçants, sarcastiques, tragiques, il s’est trouvé un peu désœuvré. Ce qui ne lui était pas concevable. (suite…)

La villa

jeudi, octobre 28th, 2021

La fuite des espérances.

Autant le dire et le répéter : j’aime le pur, le naïf, le magnifique Robert Guédiguian et ce n’est pas parce que nos options politiques sont opposées que je rejette l’immense tendresse que je ressens pour ses films et ses désillusions. Guédiguian qui est tout, sauf un imbécile, charrie en lui, sans en être tout à fait dupe, une fascination merveilleuse et un peu ridicule pour une espérance folle, qui fut importante dans l’histoire du monde et que la réalité a remis à sa place. Non, on ne change pas la nature humaine, cher Guédiguian et qui veut faire l’ange fait la bête, on le sait depuis (et avant même) Blaise Pascal. Toutes les tentatives vouées à se sortir de l’élémentaire Humanité sont promises à l’échec.

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Les contes de la lune vague après la pluie

lundi, octobre 25th, 2021

Machin nippon.

Malgré mon ignorance et ma totale indifférence pour le Japon, sa culture, sa mentalité et même son existence, j’avais depuis longtemps résolu de regarder Les contes de la lune vague après la pluie. Pourquoi ? Exclusivement grâce au beau titre français, aux sonorités mélodieuses. Mais on devrait toujours se méfier de ce genre de curiosités bienveillantes : finalement, Mizoguchi, c’est aussi étranger et enquiquinant que tous les autres, Ozu ou Kurosawa ; ça se passe dans des contrées si exotiques qu’on n’en comprend rien, sur des modes et des rythmes qui sont si éloignés des nôtres qu’on doute vraiment qu’un Occidental puisse y piger quelque chose. Mais enfin, il y a toujours des gogos qui marchent dans l’exotisme.
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