Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

The bench

vendredi, mars 13th, 2020

Seul contre tous.

Il faut croire qu’il existe un cinéma danois, ce qui n’est pas donné à tout le monde et qui ne se limite pas à l’ancêtre Dreyer. À regarder d’un peu près il y a eu Bille August qui a obtenu deux Palmes d’or à Cannes (Pelle le conquérant et Les meilleures intentions) et surtout l’équipe du Dogme avec Thomas Vinterberg (Festen) et surtout Lars von Trier dont on ne peut pas ignorer Dancer in the darkAntichrist et Melancholia. Et tout cela a éveillé de nouveau cinéastes, comme ce Per Fly qui s’est intéressé aux prescriptions strictes du Dogme, mais s’en est utilement débarrassé pour se plonger dans une sorte d’exploration sociologique de la société danoise. (suite…)

Viva Zapata !

vendredi, mars 13th, 2020

Mélancolie mexicaine.

Toutes les légendes politiques ont besoin d’incarnations. Surtout à gauche, puisque c’est la dimension de l’utopie qui la mène et qui fait rêver ses partisans. Ça va de Rosa Luxembourg, la madone des spartakistes allemands à Che Guevara l’arrogant petit tueur argentin qui engagea Cuba dans l’impasse marxiste, sans oublier un détour par Jean Jaurès l’assassiné de 1914 qui réussit l’exploit d’avoir un nombre considérable de rues et de boulevards à son nom alors qu’il n’a jamais eu la moindre responsabilité gouvernementale. Et il y aussi, sans doute en partie, à cause de son nom qui claque comme un coup de fouet, Emiliano Zapata, un nom qui réapparaît chaque fois que, dans les programmes électoraux, un candidat prétend donner le pouvoir au peuple, au dessus des élus. (suite…)

Oncle Yanco

mercredi, mars 11th, 2020

Les temps déraisonnables.

La caractéristique des DVD éditée par Ciné-Tamaris, qui est la maison de production d’Agnès Varda, est d’être truffés, aux côtés du principal film présenté, d’une kyrielle de petits courts, des courts-métrages tournés ici et là, au hasard des années, qui sont évidemment en rapport avec le film majeur. Dans le DVD de Lions love qui comporte aussi le petit pamphlet Black panthers, voilà que je trouve Oncle Yanco. Et j’ai le singulier travers de regarder tout ce qui figure sur les DVD que je possède et, pire encore, de m’imposer d’écrire sur tout ce que j’ai vu (sauf exceptions rarissimes, qui confirment évidemment la règle), afin d’améliorer encore ma faculté de rédiger sur n’importe quoi. (suite…)

Calvaire

lundi, mars 9th, 2020

Les surprises de l’amour.

Être présenté comme un conglomérat unissant des films aussi différents que PsychoseDélivrance et même La Passion du Christ n’est pas forcément un cadeau ; ça met la barre bien haut et forcément, après avoir été regardé, ça déçoit un peu. On a vu tant et tant de ces films de sauvages où un individu lambda, à peu près civilisé (comme vous et moi) se trouve ex abrupto plongé vers l’immondice, la sauvagerie, la brutalité qu’on s’attend toujours à tout. On sait qu’à un moment donné une violence absolue va se déclencher qui ne sera comprise ni par nous, spectateurs confortables, ni par le malheureux clampin qui n’a absolument aucun moyen d’échapper aux hordes sauvages et qui se retrouve – lorsqu’il parvient à survivre – hagard et dévasté. (suite…)

Jusqu’à la garde

lundi, mars 9th, 2020

D’amour et d’eau fraîche.

Ma foi ! Je dirais volontiers que l’attribution des colifichets et des bimbeloteries des Césars et toutes les polémiques qui accompagnent ce rituel essoufflé n’ont vraiment aucune importance. Je n’avais pas souvenir que Jusqu’à la garde eût obtenu la récompense suprême de meilleur film et quelques récompenses adventices (dont celui de la meilleure actrice) en 2019. Il me semble que, jusqu’à voir le film en DVD je n’avais jamais entendu parler de son réalisateur, Xavier Legrand, ni de son actrice principale, Léa Drucker, que je pensais fille de Michel Drucker et sœur de Marie Drucker (mais ce n’est pas ça du tout). (suite…)

Le fils d’un Roi

dimanche, mars 8th, 2020

La place vide.

Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du Roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le Roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. Et savez-vous bien qui a tenu ce propos singulier, surprenant, détonant qui rejoint, dans une large mesure ce que pensait le Général de Gaulle et que la Constitution de la Vème République a tenté d’arranger ? Tout simplement notre actuel Président, Emmanuel Macron, dans une interview de 2015. (suite…)

Black Panthers

lundi, mars 2nd, 2020

Qui a peur du grand méchant loup ?

J’aime trop Agnès Varda, celle de Cléo, du Bonheur, de Sans toit ni loi, mais aussi celle de Daguerréotypes, de Jacquot de Nantes, des Glaneurs et la glaneuse pour ne pas lui infliger ce que le christianisme nomme une correction fraternelle, un acte charitable envers quelqu’un qu’on apprécie, qu’on aime et qui a commis une grave faute. Remarquez bien que de là où elle est, le paradis des cinéastes qui ont su enchanter bien des spectateurs, elle doit se ficher de ma récrimination comme de son premier tour de manivelle ; mais ça ne fait rien, il faut pourtant que je lui dise, au travers de la contingence, combien son Black Panthers est détestable – ce qui n’est pas bien grave – mais surtout comme il est ennuyeux. (suite…)

Parasite

samedi, février 29th, 2020

Le pays du matin calme et des égouts qui débordent.

Aux premières images, on se croirait un peu dans Affreux, sales et méchants d’Ettore Scola, au milieu de la crasse, de la boue, des rues défoncées. Une famille coréenne entassée dans un demi sous-sol minable, qui survit tant bien que mal en pliant des cartons de pizzas. Mais en fait ce n’est pas ça. Les deux enfants, le garçon Ki-woo (Choi Woo-sik) et la fille Ki-jung (Park So-dam) ne sont pas des débiles légers et auraient presque pu entrer à l’Université. Et même le père Ki-taek (Song Kang-ho) et la mère Chung-sook (Jang Hye-jin) ne sont pas dépourvus d’intelligence et de qualités. Mais la survie est dure et les perspectives minables, surtout dans une société aussi clivante et sans pitié que la société coréenne, vouée toute entière à l’exaltation de la réussite sociale et donc à l’esclavage de ceux qui ne peuvent pas monter dans le train de la prospérité. (suite…)

Donnez-moi ma chance

vendredi, février 28th, 2020

Miroir aux alouettes.

Il est assez drôle de regarder un film où la partie vertueuse du cinéma de 1957 se moque moralement d’elle-même, même si l’affiche est assez racoleuse et si on entraperçoit l’ombre d’un sein nu. D’ailleurs le titre alternatif du film de Léonide Moguy est le plus explicite Piège à filles. Et le miroir aux alouettes dont j’affuble mon avis est bien celui qui fait briller les yeux romanesques qui imaginent que la vie d’artiste est un chemin de roses aux mille plaisirs et au sol lisse. Remarquez que ça ne touche pas que les jeunes filles et que l’admirable aventure du Schpountz de Marcel Pagnol montrait aussi cette fascination idiote ressentie, cette fois, du côté masculin. (suite…)

Green book

mercredi, février 26th, 2020

« God bless America ! »

Il serait bien injuste de dire autre chose que du bien d’un film sympathique, souvent touchant, qui donne envie de se réconcilier avec l’ensemble du genre humain et qui montre sans méchanceté mais en les poussant jusqu’à l’absurde les vilenies et conneries du petty apartheid, c’est-à-dire l’apartheid mesquin imposé plus d’un siècle après la fin de l’esclavage aux Noirs des États-Unis. Les places interdites dans les autobus, les hôtels et restaurants réservés aux Blancs et – comme il est montré dans Green book – la cabane au fond du jardin qui peut seule être utilisée par un postérieur de couleur. Ou, autre comble de l’absurdité et de la sottise la règle qui veut que le pianiste célèbre, qu’on se prépare à applaudir ensuite sans arrière-pensée (!!) ne puisse dîner dans la même salle que ses futurs spectateurs. (suite…)