Cent briques et des tuiles

Guide du protocole et des usages.

Titre épouvantable comme il en a existé beaucoup dans le pire cinéma français des années 60 et 70, celles où il y avait encore des spectateurs rigolards et des salles de cinéma dans les quartiers périphériques et les petites villes de province. Faible notoriété du réalisateur, Pierre Grimblat, au cinéma ; surtout connu – et là très connu – pour ses activités de production et de télévision, des feuilletons, comme Navarro ou L’instit, jamais vus, mais qui ont eu, paraît-il un succès d’audience. Sur le grand écran, et de façon anecdotique, Slogan (1969), dont le seul mérite est d’avoir fait se rencontrer Serge Gainsbourg et Jane Birkin.

Mauvais titre, réalisateur inconnu. Mais distribution éclatante ! Au moins en apparence ; et c’est là que, s’il était besoin de le prouver, les acteurs, si talentueux soient-ils, ne sont rien, ne parviennent pas à sauver du zéro absolu un film qui n’est que catastrophe, de la première à la dernière image.

Si l’on vous dit que vous allez regarder un film où figureront en premier plan des acteurs que vous aimez et admirez, vous vous frottez les mains normalement, cela même si ces acteurs sont encore un peu à l’orée de leur carrière. Des noms ? C’est simple : Jean-Claude BrialyMichel SerraultJean-Pierre MarielleMarie Laforêt, qui a toujours été bien jolie et avait un filet de voix agréable (là, elle chante l’amusante Bague au doigt).

En deuxième rideau, des physionomies solides, de très bons seconds rôles des belles années : Sophie DaumierDaniel CeccaldiBernard FressonAlbert Rémy. Et même encore un peu en arrière et pour les amateurs, des visages qu’on peut avoir plaisir à reconnaître : Dominique Davray (l’immortelle Madame Mado des Tontons), Roland BlanchePierre ClémentiPaul Préboist. En guest-star, Robert Manuel.

J’arrête là ; mais on conviendra que, même en s’appliquant bien on doit pouvoir mettre en scène un film admissible. D’autant que le scénario – un casse rocambolesque, le vol de la recette des Galeries Lafayette le soir de Noël – n’est pas plus ridicule ou invraisemblable que tous ces trucs où des malfrats plus ou moins amateurs parviennent à s’emparer d’une grosse galette.

Et malgré cela, c’est d’un ennui et d’une nullité confondants : il n’y a rien à sauver !

Avec la meilleure volonté du monde, je suis parvenu à sourire à la vue de flippers qui m’ont fait dépenser des sommes déraisonnables pour ma petite bourse, des juke-box et des Scopitones massifs qui diffusaient les conneries Yé-yé, les baby-foot où les amateurs faisaient admirer leur virtuosité, les jeux de voiture (Rallye-France) où l’on devait filoguider un bolide au milieu d’embûches vicelardes. Un bref passage au Golf Drouot, asile mythique de notre malheureuse jeunesse, qui ne connaissait ni drogue, ni chômage, ni violence et qui avait le culot de se plaindre.

C’est tout de même bien insuffisant. Les dialogues sont accablants, la direction d’acteurs inexistante, le montage bricolé, la photographie médiocre. Il faut se cramponner assez fort afin de parvenir à l’aboutissement réglementaire de 90 minutes.

C’est vraiment fou ce qu’on a pu tourner des bêtises au cinéma.

 

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