Enemy

L’araignée est dans le placard.

Mais que c’est lent et que c’est lourd, ce film pompeux, ennuyeux, solennel, fier de lui-même, qui fait mine de prendre le spectateur dans sa besace en pleine connivence mais qui ne parvient pas à ne pas l’ennuyer ! Denis Villeneuve, le réalisateur, doit estimer que la sophistication des intrigues suffit, par une sorte de clin d’œil, à enrégimenter tous ceux qui regardent et qui auront ainsi l’impression d’être intelligents, admis dans la grande cohorte des citoyens supérieurs. Si l’on ne comprend pas tout, surtout si on ne parvient pas à tout suivre des finesses exhibées à l’écran, c’est finalement tout bénéfice : personne ne pourra dire que le Roi est nu, comme seul le fait un enfant dans le conte d’Andersen.

Je sais bien que toutes les histoires, même les plus chtarbées, même les plus bizarres, méritent d’être racontées. Encore faut-il que le conteur les présente au spectateur de façon telle qu’elles puissent au minimum intriguer, au mieux séduire et au delà. Après tout qu’un homme, plutôt banal, Adam Bell (Jake Gyllenhaal) découvre fortuitement qu’il possède un double absolu en la personne d’Anthony St Claire (le même, bien sûr) est une idée qui pourrait être intéressante à développer. Adam, qui doit être divorcé, a une liaison un peu chaotique avec Marie (Mélanie Laurent) ; il doit être quelque chose comme assistant de sociologie à l’Université de Toronto où il enseigne des évidences bien-pensantes à des étudiants amorphes. Anthony vit avec Helen (Sarah Gadon), qui est enceinte de six mois ; c’est un acteur de cinéma de second plan, mais qui est suffisamment employé pour vivre à l’aise.

Les deux hommes ne sont pas simplement sosies : ils sont absolument identiques, au point que l’un et l’autre – qui n’ont évidemment aucun lien familial – sont marqués par une légère cicatrice au bas des côtes ; ce qui est naturellement inexplicable. Et tout aussi naturellement obsédant.

C’est Adam qui, ayant fortuitement découvert l’existence de son double en regardant un film, prend le premier contact. Tout cela ne va pas sans bizarreries, coups tordus, angoisses, stupéfactions. Si Marie n’est pas pas mise au courant de l’aventure, Helen se demande bien comment son compagnon commence à perdre les pédales.

Jusque là, on peut à peu près comprendre les ramifications du récit et s’interroger sur ce que serait notre propre attitude si la situation nous arrivait. Puis voilà que ça commence à partir dans tous les sens. Anthony souhaite profiter de sa ressemblance pour sauter Marie, qui est, de fait, un joli brin de fille. Simple échange de partenaires, petite fumisterie graveleuse, banale dans sa prétendue transgressivité ? Que nenni ! En pleine séance de jambes en l’air, Marie s’aperçoit qu’Anthony porte au doigt une marque d’alliance et, au lieu de terminer tranquillement son radada, fait une crise de nerfs. Et ça se termine par un affreux accident de voiture qui conclut la méprise.

Adam, désormais débarrassé de son double, fait, dans le placard, une bien peu étrange découverte. Clap de fin.

Bof. c’est tourné dans des tonalités poussiéreuses, jaunâtres ; souvent sur les autoroutes qui entourent Toronto, ville qui ne me paraît pas réunir beaucoup de charmes urbains. Isabella Rossellini fait une courte pige (mère d’Adam, qui lui jure bien qu’elle n’a pas d’enfant caché, qu’elle n’a pas eu de jumeau, etc.) ; les autres acteurs font le job, sans éclat. Ça traîne et ça s’effiloche. Ce genre de sujets implique un traitement nerveux, rapide, sec : sur un court-métrage, ça se supporterait. Mais même déjà assez bref (86 minutes) Enemy paraît bien long.

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