James Ellroy « American dog »

Violents rivages.

Expérience amusante et un peu étrange de regarder un film documentaire consacré à un écrivain dont vous n’avez pas lu une ligne et qui ne vous est connu que pour avoir inspiré Le dahlia noir de Brian De Palma qui est un film d’une nullité sans nom. La note que mets, qui est médiane, n’a aucune espèce d’importance et moins encore de pertinence : elle permet simplement de voir que je ne me suis pas ennuyé et que j’ai trouvé que c’était plutôt bien fichu. Clara et Robert Kuperberg, d’après ce que j’ai appris sur eux, sont un couple de documentaristes de qualité, auteurs de films sur les cinéastes blacklistésGeorge Sidney ou Martin Scorsese ; leur truc sur Ellroy prédispose plutôt bien à leur endroit.

En tout cas, les auteurs ont une réelle capacité à mettre en scène les entretiens qu’ils ont réalisé avec le romancier, à les orienter ou à les découper de façon telle que, même pour qui, comme moi, est un absolu ignorant de l’œuvre écrite, le sujet et les obsessions de l’écrivain ne manquent pas d’intérêt. Il est vrai que, d’après ce que j’en ai lu sur Wikipédia, sa vie est un roman ; un roman malsain, un roman morbide, marqué d’abord par la mésentente rapide de ses parents et leur séparation – ce qui n’est malheureusement pas rare – mais aussi par bien pire.

Le comportement dissolu des deux géniteurs (la mère allant draguer dans des bars des amants de rencontre, le père sautant sur tout ce qui bouge) et surtout le viol et l’assassinat crapuleux de la mère par on ne sait qui, on ne sait pourquoi, on ne sait comment. D’où la fascination pour ces crapuleries et la fixation sur le meurtre abominable d’Elizabeth Short, Le dahlia noir, gourgandine à la cuisse légère qui ne méritait évidemment pas d’être torturée, scarifiée, esquintée et finalement coupée en deux au mois de janvier 1947, dans une affaire criminelle qui n’a pas davantage été résolue que le meurtre de la mère d’Ellroy.

L’écrivain est fasciné par la partie obscure, sombre, glaciale, poussiéreuse de la vie ; il pense et il dit que, sous-jacent à la vie banale de la surface, il y a une sorte de monde sourd, dense, sépulcral, en tout cas inquiétant qui ne commence qu’aux heures de ténèbres. Ceci n’est d’ailleurs pas exceptionnel : les règles changent, la nuit venue comme le montre abondamment Martin Scorsese dans son fascinant After hours ; ma foi ! c’est plutôt vrai, cela et il faudrait être de mauvaise disposition d’esprit pour nier qu’après le crépuscule il n’y a pas une faune particulière qui vient errer ici et là ; et qu’en tout cas ce qui se passe la nuit ou dans le côté ombreux de la vie, n’est pas lié avec la surface ripolinée de l’existence quotidienne.

Je n’ai pas vraiment l’intention d’inclure dans mon programme de lectures des six prochains mois les romans de James Ellroy. Il ne m’est pas du tout antipathique, puisqu’il se dit conservateur et même réactionnaire, mais il faut faire des choix. N’empêche que ce petit documentaire m’a plutôt paru intéressant.

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