La chute de l’empire américain

Un peu plus proche de l’abîme à chaque fois.

En consultant le programme télévisé, j’ai sottement cru que La chute de l’empire américain était la suite directe, le dernier volet d’une trilogie dont les premiers films étaient les sidérants Déclin de l’empire américain de 1986 et Invasions barbares de 2003 où des couples d’universitaires québécois hédonistes et égoïstes dissertaient avec finesse, intelligence, subtilité, talent d’expression de la décadence de notre monde occidental. Je me suis complétement emmêlé les crayons : le troisième film de la trilogie de Denys Arcand s’appelle – comme c’est gai ! – L’âge des ténèbres (2007) et, paraît-il, ne vaut pas tripette ; mais il s’inscrit aussi, je crois, dans cette exploration assez froide de nos désespoirs et incapacités.

La chute de l’empire américain expose, sous forme d’un thriller assez brutal et bien fichu, la réalité des circuits financiers où se mêlent criminalité organisée et sophistication bancaire. La mondialisation et l’informatique se sont imposées là comme ailleurs et les grands bandits, qui sont tout sauf des imbéciles, ont aligné leurs manigances sur ces nouvelles données : il faudrait être sourd et aveugle pour n’en n’être pas conscient. Cela étant, mieux qu’une conférence même très documentée, un film permet une démonstration attrayante – on peut écrire aussi glaçante – des recyclages et blanchissages de l’argent sale.

À dire vrai, ce qu’on peut sans doute un peu reprocher au film est que son scénario paraît n’être écrit que pour la commodité et la clarté de sa démonstration, c’est-à-dire qu’il concentre une somme d’invraisemblances peut-être un peu excessive. Mais enfin, on se laisse porter finalement.

Pierre-Paul Daoust (Alexandre Landry), la bonne trentaine, est un de ces brillants sujets très diplômés (en philosophie, je crois) que l’état présent du monde conduit à occuper le flamboyant emploi de livreur. Tout à fait fortuitement, il arrive sur les lieux d’un hold-up sanglant dans une blanchisserie qui sert de couverture, ou plutôt de coffre fort, à la grande criminalité. Deux groupes de bandits se sont entre-tués. Du sang partout mais aussi de grands sacs emplis de billets. Pour des millions sans doute.

Le jeune homme hésite à peine puis se disant sans doute que pas vu pas pris, il s’empare de deux énormes sacs. Qu’en faire désormais, sachant que la police surveillait de longue date la blanchisserie et que les enquêteurs Carla McDuff (Maxim Roy) et Pete LaBauve (Louis Morissette) se doutent que Pierre-Paul n’est pas si net que ça. Autant faire appel à un spécialiste, Sylvain Bigras (Rémy Girard)qui vient à peine de sortir de prison.

Pendant ce temps les bandits propriétaires du magot cherchent partout à récupérer leurs millions. Très violente scène de torture sur un des bandits réchappé du hold-up initial : une certaine inventivité dans l’horreur.

Au fait la science du subtil Sylvain ne suffirait pas si ne venait pas se joindre au dispositif Aspasie (Maripier Morin), une ravissante escort-girl qui cite Racine sur son site de retape. Et qui connaît, du fait de son singulier métier, beaucoup de monde, dont l’avocat d’affaires Wilbrod Taschereau (Pierre Curzi), un de ses anciens clients, qui maîtrise parfaitement tous les mécanismes de l’évasion fiscale.

Un peu niaisement le film se conclut en un happy end irénique : ayant blanchi leurs sous, les nouveaux amis créent une fondation bienfaisante et décident d’employer leurs gains à faire le Bien. Ma foi !

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