L’emprise

Vaincu d’avance.

Philip Carey (Leslie Howard) jouit d’une petite aisance financière mais il est affligé d’une infirmité qui le paralyse et l’inhibe : un pied bot. Il aurait passionnément aimé être un grand peintre, est venu vivre à Paris pour y apprendre et y être consacré, mais le jugement de son professeur est absolument sans appel : Vous n’avez aucun talent et n’en aurez jamais !. Changement de cap et installation à Londres où il entreprend des études de médecine. Il a pour amis de joyeux lurons de son âge, notamment Harry Griffiths (Reginald Denny) et Cyril Dunsford (Reginald Sheffield), francs-buveurs et coureurs de filles. Mais Philip, timide, complexé, persuadé qu’il ne pourra jamais plaire à une femme demeure sur la touche.

Et puis un jour, dans une taverne, il est ébloui par l’allure, la sensualité à fleur de peau, l’animalité presque de Mildred Rogers (Bette Davis), une serveuse dont le moindre enfançon verrait que c’est une fille facile, qui flirte avec les clients à l’allure opulente, surtout Emil Miller (Alan Hale). N’empêche que le timide Philip est embrasé de passion dès qu’il découvre la fille.

La guêpe n’est pas folle, d’ailleurs : tout en gardant au chaud un soupirant qu’elle estime être plus sérieux, elle se laisse très lentement séduire, non sans outrageusement flirter avec Harry, l’ami de Philip, jusqu’à partir avec lui dans un périple parisien. Elle ne va pas cesser de bafouer, d’humilier, de ridiculiser son amoureux transi qui, à chaque fois, se laissera happer par la mante religieuse.Au point, alors qu’après une de ses multiples cavalcades elle revient vers lui, enceinte de l’indifférent Miller, qui ne veut rien en savoir, il cède une fois de plus, au point de lui louer un appartement, de veiller à son accouchement, de trouver une nourrice qui permettra à Mildred de se débarrasser de la petite fille non désirée.

Elle multiplie les aventures et les humiliations et lui ne sait pas résister ; quand il engage une liaison sage avec Norah (Kay Johnson), elle la lui fait rompre, tant elle a d’emprise sur lui. Cela fait penser, n’est-ce pas ? à La chienneJean Renoir en 1931, décrit la même déchéance ; la même lâcheté. Mais le film de Renoir est davantage tourné vers le drame, celui de John Cromwellvers des péripéties souvent un peu excessives.Tout cela va de mal en pire. Le pauvre Philip, qui ne peut plus payer ses études de médecine (la goule a brûlé les chèques à lui envoyés par un oncle bienveillant) est sans le sou. Il a heureusement rencontré un très sympathique original, Thorpe Athelny (Reginald Owen) qui vit de façon patriarcale, autoritaire et pleine de tendresse avec ses nombreuses filles, qui le servent avec révérence. Parmi elles, l’aînée, Sally (Frances Dee) qui tombe immédiatement amoureuse du malheureux Philip que la famille, désormais, reçoit régulièrement, puis héberge.

C’est compliqué, non ? Et c’est bien aussi ce que je pense : trop d’intrigues, de sous-intrigues, d’orientations parallèles, trop de mésaventures, dont la plus singulière est l’opération du pied bot, opération qui réussit parfaitement et qui rend au faible et intelligent Philip son élégance naturelle.

Tout se termine bien, si je puis dire ; son bébé mort, Mildred agonise de la tuberculose. Philip et Sarah vont pouvoir enfin commencer leur vie. Il était temps. Mais c’est plutôt sympathique, à part ça.

 

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